Économie

Plus de la moitié des amendes pénales en France ne sont pas honorées

Plus de la moitié des amendes pénales en France ne sont pas honorées

Une forme d’exemption pour certaines personnes . Ce sont les constats de  Xavier Bertrand et Marine Le Pen ces derniers jours, évoquant ce  problème majeur à leurs yeux : celui de l’encaissement des amendes. Le président LR du conseil régional des Hauts-de-France a assuré que “plus de 50% des amendes pénales ne sont jamais recouvrées”, citant dans la foulée auprès des médias un chiffre plus précis de 50%.  La députée  RN , estimant que “dans notre pays, les contraventions ne sont pas payées”. Et d’ajouter que “c’est exactement comme si on ne faisait rien”.  

Sur ce sujet, il est important de distinguer les différents types d’amendes infligées, dont les taux de recouvrement varient. Si Xavier Bertrand présente des chiffres fiables,  par contre  Marine Le Pen gonfle très largement la réalité des chiffres.

Avant de se pencher en détail sur les chiffres, il est nécessaire d’effectuer une distinction importante. Quand Xavier Bertrand a pris la parole, il a pris soin de préciser qu’il évoquait les amendes pénales. Prononcées par la justice à l’issue d’un jugement, elles ne doivent pas être confondues avec celles dont s’acquittent des automobilistes qui n’auraient pas réglé des frais de stationnement ou qui se seraient fait flasher par des radars automatiques pour des excès de vitesse mineurs. Pour évoquer ces contraventions, on utilise fait plus généralement référence à ce que l’on qualifie d’amendes forfaitaires.

Il est possible de s’appuyer sur des rapports parlementaires rédigés ces dernières années par des sénateurs. Le premier souligne que “le Trésor public recouvre, sans les distinguer, les amendes pénales et les droits fixes de procédure dus par toute personne majeure condamnée”. À défaut de disposer d’une évaluation pour chaque, les auteurs du rapport notent qu’au global, “le taux de recouvrement des amendes pénales et des droits fixes de procédure est estimé à 48 % en 2016”. Cela correspond peu ou prou à ce qu’avance Xavier Bertrand. On constate qu’en fonction des types de délits, l’efficacité du recouvrement varie très fortement, ce dont témoigne le tableau qui suit.

Taux de recouvrement, montants recouvrés et nombre de condamnations en fonction du type de contentieux

Note de lecture : la taille des bulles dépend du nombre de condamnations pour chaque type de contentieux. Source : commission des finances du Sénat à partir des données transmises par ministère de la justice
Source : commission des finances, d'après les données transmises par la DGFiP

Par contre , lorsque l’on se penche sur les simples “contraventions” évoquées par Marine Le Pen, on constate qu’il est totalement faux d’affirmer qu’elles ne sont pas du tout payées. La Direction générale des Finances publiques, sollicitée par LCI, explique en effet que “le taux global de paiement des amendes toutes catégories et tous stades confondus en France est de l’ordre de 71,65 %”.

Un rapport sénatorial récent mettait en avant le fait qu’en 2018, “la part des amendes forfaitaires payées avec ou sans minoration” atteignait 67,2% (54,4% en moyenne sur la période 2014-2018). Les amendes restantes, majorées fautes de paiement, ont logiquement fait l’objet de procédures de recouvrement. Ces dernières se révèlent toutefois assez peu efficaces puisqu’en 2018, seules 28,6% ont abouti (29,7% en moyenne sur la période 2014-2018). “Cela s’explique puisque notre activité porte par définition sur les amendes les plus dures à recouvrer (puisque tout le paiement amiable au stade forfaitaire a eu lieu avant)”, glisse-t-on du côté de Bercy. Quoi qu’il en soit, il est totalement exagéré d’évoquer comme le fait Marine Le Pen des contraventions qui ne seraient “pas payées” en France.

Les chiffres globalement mauvais du recouvrement montrent que l’administration, lorsqu’elle fait face à de mauvais payeurs, peine à récupérer l’essentiel du montant des amendes infligées. Un constat que les sénateurs n’ont pas manqué d’effectuer à travers leurs rapports, fruits de multiples auditions avec des personnels en charge de ces missions. De ces entretiens, on peut retenir divers éléments susceptibles d’expliquer la situation.

Tout d’abord, que ce soit pour les amendes pénales ou forfaitaires, les rapporteurs mettent en avant des systèmes informatiques très anciens, vieux de plusieurs décennies et aujourd’hui obsolètes. Des outils qui ralentissent et compliquent les procédures tout en nuisant à la communication entre les différents services. Un problème d’autant plus central que les rapports mettent en avant une “fragmentation” des acteurs du recouvrement, qu’il conviendrait de faire converger dans une direction commune. Une “lourdeur de procédure” est évoquée, tout comme un système aux “moyens limités”. Les sénateurs, dans leurs conclusions, s’accordent “pour dire que la mission recouvrement est un système qui, faute des réparations nécessaires, est en passe de se gripper”.

Parmi les multiples exemples cités dans les textes publiés par les parlementaires, on retient notamment que du côté de la Direction générale des Finances publiques, un manque criant de bras. “Alors que le volume des amendes de circulation et des forfaits de post-stationnement est considérable, atteignant pratiquement 34 millions de titres en 2018”,  chaque agent en charge du recouvrement “suit en moyenne 20.000 titres impayés”, peut-on lire. “Ce recouvrement de masse rend impossible un suivi individualisé de chacun des dossiers et nécessite, pour son bon fonctionnement, que les citoyens respectent leurs obligations de paiement.” 

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