Le tableau Rosiers sous les arbres”, de Gustav Klimt, datant de 1905, sera rendu à une famille juive autrichienne qui avait été forcée de vendre ses trésors en 1938, a annoncé la ministre de la Culture Roselyne Bachelot, lundi.
Conservée au Musée d’Orsay, la toile “Rosiers sous les arbres”, de Gustav Klimt était la seule détenue par la France. La ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, s’est cependant engagée, lundi 15 mars, à la restituer à une famille juive qui en avait été spoliée en 1938 en Autriche, après de longues recherches qui ont permis de retracer une histoire sciemment dissimulée.
La toile du maître autrichien, peinte vers 1904-1905, sera rendue à la famille de Nora Stiasny, une victime de l’Holocauste, a annoncé, lundi, la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot.
“En plein accord avec le Premier ministre et le président de la République, nous allons lancer la procédure de restitution […] à ses propriétaires légitimes, les ayants droit de Nora Stiasny”, a-t-elle expliqué lors d’une conférence de presse à son ministère. “Pour moi la restitution des biens juifs spoliés est une ardente obligation. […] C’est l’honneur de la République que de faire cela. L’honneur de la France”, a-t-elle affirmé.
Une histoire longtemps cachée
L’ouverture récente d’archives en Autriche et le travail d’historiens ont permis de retracer précisément l’origine de ce tableau, longtemps cachée par ceux qui ont effacé toute trace de cette affaire.
La toile est achetée en 1911 par le collectionneur juif autrichien Viktor Zuckerkandl, sous le nom de “Roses” (“Rosen” en allemand). Elle en portera d’autres : “Pommiers avec des roses” et “Paysages”. Elle appartient à sa nièce Nora au moment de l’Anschluss, en mars 1938, quand les nazis s’installent au pouvoir. En août de la même année, cette femme de 40 ans, persécutée en tant que juive, ruinée par “l’aryanisation des biens”, doit se plier à une vente forcée pour une somme dérisoire, six à cinquante fois inférieure à sa valeur, en fonction des témoignages et des estimations.
Le “personnage-clé” de cette spoliation est l’artiste Philipp Häusler, qui avait eu une relation avec Nora Stiasny lors de leur jeunesse, et qui avait adhéré au parti nazi en Allemagne dès 1933. Elle meurt en 1942, avec son mari et son fils, en Pologne, au ghetto d’Izbica ou au camp de Belzec. Lui sera assez habile, après guerre, pour faire croire à sa bonne foi.
En 1980, la France acquiert à son tour “Rosiers sous les arbres” auprès d’une galerie d’art suisse, pour qu’il rejoigne le futur Musée d’Orsay à Paris, consacré à la période 1848-1914. À cette époque, rien ne laisse penser à une spoliation.
Projet de loi
“La décision que nous avons prise est évidemment difficile. Elle revient à faire sortir des collections nationales un chef-d’œuvre qui est en outre la seule peinture de Gustav Klimt dont la France était propriétaire”, a souligné la ministre. Mais “ce n’est pas un crève-cœur pour moi, bien au contraire”.
“La reconstitution du parcours de cette œuvre jusqu’à son acquisition […] a été particulièrement ardue, en raison de la destruction des preuves et de l’érosion de la mémoire familiale”, a-t-elle souligné.
En 2018, l’ambassadeur d’Autriche à Paris avait signalé ces découvertes au musée. La famille avait fait la demande de restitution en 2019, qui doit aboutir bientôt.
Le tableau est pour le moment inaliénable en vertu de la loi, puisqu’il appartient aux collections nationales. Mais “le gouvernement présentera dès que possible un projet de loi destiné à autoriser la sortie de cette œuvre”, a précisé la ministre.
Cette restitution prochaine est “pour la famille l’équivalent d’un miracle”, a déclaré l’experte autrichienne Ruth Pleyer. “C’est un geste incomparable”. Les ayants droit sont les descendants de la sœur de Nora Stiasny, Hermine Müller-Hofmann, qui avait pu échapper à l’Holocauste en Bavière.