Louis Torronde- C19
L’Institut du futur allemand décrit quatre déroulements sur la manière dont le Covid peut changer le monde. Sur le long terme, nous verrons la beauté collatérale de ces jours, soutient Tristan Horx, chercheur du futur. “Il a fallu traverser la pandémie pour apprendre des leçons de vie”.
Depuis plus de vingt ans, la mission du Zukunftsinstitut (en allemand, “institut du futur”) est d’identifier des modèles de changements sociaux et économiques. La crise liée au COVID-19 s’est avérée être un moteur surprenant d’évolution de la société. “Nous avons fait la démonstration de notre capacité d’adaptation, c’est dans la nature humaine”, remarque le chercheur Tristan Horx.
Le Covid a changé la vie de toutes les générations : celles-ci ont été plus touchées par les mêmes défis que jamais. En ce qui concerne le discours intergénérationnel, le Covid a représenté un énorme choc pour la solidarité. “On a sacrifié l’économie et le bien-être pour la santé des personnes âgées et des plus faibles. C’est une démonstration de solidarité de la part des jeunes”. En même temps, ces derniers s’attendent à une récompense dans le futur pour l’effort fourni. Peut-être des progrès pour le changement climatique? Celui-ci sera la prochaine crise où les rôles s’inversent : ce seront alors les jeunes les plus touchés par les dégâts des générations précédentes.
L’équipe d’experts du Zukunftinstitut a décrit quatre scénarios possibles de la vie “après” le virus. Quand ? Ce sera sûrement un passage progressif jusqu’au moment où on réfléchira : “tu te souviens du Corona ? Wow, regarde où on en est maintenant”.
Le risque Corona : le repli sur soi-même
Dans son livre blanc, le Zukunftsinstitut prévoit quatre scénarios hypothétiques, deux positifs et deux négatifs, de l’effet Covid sur notre style de vie. La crise liée à la pandémie, ainsi que le réchauffement climatique sont deux batailles mondiales. “Elles peuvent conduire soit à un rapprochement de la communauté mondiale, soit à la fragmentation. Ce sont les deux facteurs pour décider si nous atterrissons dans un scénario positif ou négatif” explique Tristan Horx.
La vision négative se produirait dans les deux premiers scénarios, si l’on ne parvenait pas à reconnecter le monde par la suite. “Pas seulement physiquement avec le vaccin, mais surtout mentalement, avec la confiance internationale qui est fondamentale pour faire face à la prochaine grande crise : le changement climatique.” Dans ce cas, les pays seraient plus nationalistes, ils ne voudraient pas coopérer. L’économie ne serait pas vraiment durable, mais elle utiliserait plutôt le prétexte du greenwashing.
Déroulement 1 : l’isolation totale
Dans cette hypothèse, scanner une puce depuis son poignet pour entrer dans le métro ou échanger ses données de santé avant un premier rendez-vous est devenu la norme. Il est également normal d’avoir besoin d’un passeport vaccinal pour voyager. Bienvenue dans la société super sûre ! La sécurité ne peut être garantie qu’à l’intérieur des frontières. Chacun pour soi.
Les citoyens sont méfiants à l’égard des produits dont l’origine ne peut être identifiable. Les importations sont limitées. De plus en plus de personnes souhaitent un jardin pour cultiver leurs propres fruits et légumes et s’isolent à la campagne. Celle-ci est en vogue depuis le confinement.
Déroulement 2 : la crise permanente
La peur d’une nouvelle pandémie fait ainsi que chaque propagation locale d’un virus, aussi minime soit-elle, déclenche des mesures drastiques, de la fermeture des frontières à la défense des ressources. Les entreprises et les marchés délocalisent. À cause de la pandémie de COVID-19, on a perdu la confiance dans la coopération internationale. Le monde vacille donc nerveusement vers l’avenir.
Le développement de l’intelligence artificielle s’intensifie, notamment pour la simulation de scénarios de crise. Par conséquent, la cybercriminalité et la surveillance de la part de l’État sont également en hausse. La vie privée et nos données personnelles sont mises en péril.
L’effet Corona : la reconnexion mondiale
En revanche, la version positive arriverait si l’on trouve un équilibre entre le global et le local, ce que le chercheur T. Horx appelle “glocal”. “Je ne pense pas qu’on retournera au style de vie capitaliste et consumériste qu’on avait avant.” La pandémie a démontré de ne pas être un problème local, mais mondial tout comme le problème climatique. “Des problèmes globaux requièrent des solutions globales.”
Déroulement 3 : les néo-tribus
Dans cet imaginaire, la société mondialisée revient à des structures plus locales. L’accent est mis plus que jamais sur les produits régionaux, ce qui est positif pour l’environnement. En outre, les gens se déplacent progressivement vers la campagne. En milieu urbain, une économie circulaire avec des écosystèmes autonomes émerge. Au lieu d’utiliser les transports publics, les gens utilisent de plus en plus le vélo ou les scooters électriques. Le travail devient aussi plus flexible. Les voyages à longue distance ont perdu beaucoup de leur attrait. Le tourisme se transforme en slow tourisme.
De petites communautés se consolident. L’entraide entre voisins est une priorité absolue. Les fournitures, par exemple, sont partagées ou échangées. Une attention particulière est accordée aux personnes âgées et faibles. Des coopératives sont organisées pour s’entraider en cas de crise.
Déroulement 4 : la société résiliente
Le confinement a déclenché une autopurification : une réflexion sur l’origine de nos biens. Non seulement un équilibre entre l’online et l’offline, mais aussi une approche judicieuse entre le commerce régional et le commerce mondial. Depuis lors, les marchés hebdomadaires, les producteurs régionaux et les boutiques en ligne locales sont en plein essor. La société s’éloigne de la consommation de masse pour un système économique plus sain.
La santé n’est plus considérée comme quelque chose qui concerne uniquement le corps, mais aussi l’esprit. L’environnement, la ville, la politique, la communauté mondiale : tous ces facteurs sont importants pour la santé mentale. Dans ce contexte, l’utilisation d’applications numériques pour partager des données de santé de manière anonyme en temps réel est devenue une évidence. Grâce à ces outils, des prédictions précises peuvent être faites, par exemple sur la probabilité d’une nouvelle épidémie.
Alors que les États-nations perdent leur pertinence, les organismes supranationaux gagnent en puissance. De cette façon, les problèmes locaux peuvent être résolus rapidement, et les risques mondiaux peuvent être identifiés plus rapidement et abordés de manière coopérative. “La société mondiale tire les leçons de la crise et développe des systèmes adaptatifs.”
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