La cour de justice du Luxembourg, la cour chargée de veiller au respect de la règlementation de l’Union européenne, se penche à partir du 15 décembre sur plusieurs dossiers qui impactent la FIFA, la fédération internationale de football et son extension européenne, l’UEFA, alors qu’il n’y a pas encre si longtemps, leurs décisions étaient considérées comme incontestables, prises sans publicité, ni transparence.
A l’origine, la première réunion de la FIFA s’est tenue dans le 1er arrondissement de Paris, 229 rue Saint-Honoré et se composait de représentants des Pays-Bas, de la Suède, de la Suisse, du Danemark, de l’Espagne, de la Belgique et de la France. Le premier président fût le français, Jules Rimet, créateur de la coupe du monde de football dont le trophée porte aujourd’hui son nom. Désormais le président de la plus puissante fédération sportive du monde est l’Italo-helvète Gianni Infantino.
Cinquante ans après la création de la FIFA, en 1954, est créée l’instance européenne, l’UEFA, qui n’est pas très bien vu depuis Zurich, le siège de la FIFA depuis 1932. Dès sa création la FIFA se caractérise par son imitée autoritarisme et un besoin de prise décision de décisions sans partage, très vite en cela par l’UEFA, les deux instances boycottant par exemple en 1955, la coupe d’Europe, créée à l’initiative du journal sportif français l’Équipe et quinze clubs professionnels dont le Real de Madrid.
Depuis cette époque, la sécession entre clubs et instances internationales menace, les clubs grattant régulièrement du pouvoir et les deux instances en perdant. La dernière fronde est partie de Belgique dans les années 90 avec le joueur belge Jean-Marc Bosman qui a contesté, avec l’avocat spécialiste du droit européen, Jean-Louis Dupont, les critères de son transfert entre son club de Liège et celui de Dunkerque, en particulier la demande d’indemnité de transfert.
La plainte aboutira au fameux arrêt Bosman de 1995. Ensuite deux décisions favorables à l’application du droit vont s’enchaîner, en 2001, le hongrois Tibor Balog, alors joueur dans l’équipe belge de Charleroi obtient l’extension de l’arrêt Bosman aux joueurs non européens et aboutit à la libre circulation des joueurs professionnels au niveau mondial, en 2006, le joueur marocain de Charleroi, Majid Oulmers, qui se blesse lors d’un match international avec l’équipe du Maroc, obtient que la FIFA assure les joueurs qui se blessent en sélection nationale et dédommage les clubs employeurs durant les sélections, à hauteur de 10.000 € euros par joueur et par jour.
À partir de l’année 2000, les plus grands clubs d’Europe créent le G14 et œuvrent pour contrôler les droits commerciaux de la ligue des Champions. Le changement de gouvernance devient irréversible, la FIFA et l’UEFA ne peuvent plus décider seules dans leur coin et doivent désormais consulter les clubs pour les décisions qui les concernent. Les clubs et leurs avocats choisissent toujours le même angle d’attaque contre les deux instances internationales.
Ils considèrent que la FIFA et l’UEFA sont des associations privées non-élues qui chapeautent un secteur professionnel et qui doivent être organisées par la loi et que leurs représentants, cooptés entre eux avec leurs cotisants, gèrent un secteur marchand avec d’importantes implications financières et sociales pour les employeurs et les salariés professionnels. Au fur et à mesure des condamnations juridiques et des interventions politiques, le tandem FIFA et UEFA a été obligé de s’adapter. A la suite de l’arrêt Bosman, le commissaire européen à la concurrence, le belge Karel Van Miert, oblige l’UEFA, basée à Nyon dans le canton de Vaud, à se réformer sous peine de devenir hors-la-loi.
Mais si la gouvernance s’améliore doucement, les décisions restent mal acceptées et les habitudes évoluent encore plus lentement. L’avocat Jean-Louis Dupont qui est toujours présent parmi les conseils des grands clubs européens en guerre contre l’UEFA, estime que certaines choses ont évolué, comme l’application par l’UEFA du droit de l’Union européenne sur la concurrence pour la vente centralisée des droits médias sur les coupes d’Europe.
Mais il estime aussi que certains vices subsistent comme la volonté de l’UEFA de conserver le monopole de l’exploitation de toutes les compétitions de football au sein de l’Union européenne, que ce soit pour les clubs ou les équipes nationales, tout en restant le régulateur du marché dont elle a le monopole. Les clubs assument seuls les risques économiques et juridiques des compétitions européennes tout en étant exclus de leur gestion, alors qu’à l’échelle nationale, ils sont maîtres de leur destin au sein de chacune des ligues.
L’UEFA tente d’échapper au droit européen grâce à la clause, prévue dans ses statuts, d’obliger les clubs à porter tout litige devant le TAS, le Tribunal arbitral du sport, fort commodément basé également en Suisse. Ce même TAS est financé à la fois par la FIFA, l’UEFA et le comité international Olympique, ce qui interroge sur l’indépendance de l’organisation et sur le rôle de régulation de l’UEFA sur le territoire de l’Union européenne, vingt-huit des cinquante-cinq fédérations membres de l’UEFA n’appartenant pas à des pays membres de l’Union européenne.
La justice européenne est actuellement saisie de quatre dossiers liés au football, le double dossier ISL/ESL relatif à la création d’une super ligue européenne dont les conclusions seront rendues avant la fin de l’année 2022, le dossier Lior Refaelov un joueur ayant la double nationalité israélienne et belge et dont son club, l’Antwerp, conteste l’application de la notion de quotas de joueur soumis au critère de la formation nationale, le dossier Lassana Diarra à qui la FIFA réclame des sommes colossales pour un transfert non abouti et le dossier Swift Espérange, un club luxembourgeois bloqué par la règlementation de sa fédération et qui applique encore un régime de transfert antérieur à l’arrêt Bosman.
Face à ces attaques juridiques, la question de pose de savoir si le FIFA et l’UEFA ne risquent pas de devenir des coquilles vides chargées uniquement d’encadrer les compétitions et désigner les arbitres. Pour l’avocat Jean-Louis Dupont, la situation des deux instances est très différente. La FIFA est une organisation mondiale dont le champ d’actions concerne surtout les compétitions entre équipes nationales.
Elle devra, selon lui, respecter les décisions d’un véritable juge plutôt qu’un passage obligé par le Tribunal arbitral du sport mais son cœur de métier ne devrait pas être trop impacté. Concernant l’UEFA, sa situation dépendra des arrêts que rendra la cour de justice européenne.
Dans les années 80 et 90, les clubs s’étaient élevés contre l’autoritarisme et le monopole des fédérations nationales et avaient créé les ligues professionnelles pour concevoir, commercialiser et gérer leur compétition. Après des périodes de tension, la situation a fini par se stabiliser et cette évolution n’a pas entraînée la disparition des fédérations nationales. L’avocat estime par comparaison qu’il n’y a pas de raison que la problématique actuelle mène à la disparition de l’UEFA, si ce n’est qu’il est nécessaire de redéfinir les rôles des clubs et de l’UEFA, sous réserve que cette dernière joue le jeu et accepte l’état de droit de l’Union européenne.
De manière fictive pour l’instant, il est possible d’imaginer que la FIFA qui regroupe deux cents onze fédérations de football comprenne que l’Europe, avec ses clubs financièrement intéressés et leurs avocats, devient ingérable et décide de se retirer du vieux continent pour se redéployer en Asie, en Afrique et en Amérique du Nord.
À noter dans ce cadre que Gianni Infantino a déménagé au Qatar, que la FIFA a encouragé la mise en place de la ligue de football nord-américain et la création d’une Super Ligue africaine alors que dans le même temps ses avocats assimilaient la création d’une Super Ligue européenne à la mort du football.
Composée de cinquante-cinq fédérations dont vingt-huit hors Union européenne, l’UEFA devra, pour les vingt-sept fédérations soumises au droit européen, se plier aux exigences de la règlementation européenne si elle veut éviter le risque de multiplier les recours juridiques. Alors que dans un premier temps, le président de l’UEFA, le slovène Aleksander Ceferin, avait menacé les clubs à l’initiative de la création de la Super Ligue européenne de bannissement de la ligue des champions et des championnat nationaux, il est, dans un second temps, revenu sur ses menaces après qu’un tribunal madrilène ne lui fasse comprendre qu’il s’exposait à des mesures pénales pouvant aller jusqu’à la prison.
Dans tous les cas, l’UEFA risque de perdre beaucoup de pouvoir et d’argent mais ce sera peut-être le prix à payer pour éviter la disparition. Après les décisions juridiques sur ces dossiers, viendront les arbitrages politiques qui auront pour objectifs, selon les observateurs, d’imposer des passerelles financières entre les plus riches et la base, afin que le football professionnel soutienne le football de proximité, comme cela avait été introduit après l’arrêt Bosman avec la création des fonds de solidarité et des indemnités de formation.
L’Europe devra aussi se doter de règles générales pour son secteur sportif, un chantier que l’UEFA assimile déjà à une promesse de chaos. A contrario, une personne travaillant sur ces dossiers rappelle de son côté que la réorganisation du marché du travail pour permettre à la FIFA de mettre en place un règlement des transferts compatible avec les règles de l’Union européenne n’avait requis que trois fonctionnaires à tiers temps pendant trois ans après l’arrêt Bosman. La réorganisation du marché de la production ne devrait pas requérir plus de personnes ni plus de temps.
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