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Au premier semestre 2021, 130 pays de l’OCDE, qui représentent 90% du PIB mondial, ont adopté un nouveau plan pour réformer la fiscalité internationale afin que les entreprises multinationales, et pas seulement les GAFA ou GAFAM pour Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, puissent payer une part d’impôt partout où elles exercent une activité et génèrent un bénéfice.
Cette réforme repose sur deux piliers. Le premier pilier vise à garantir une répartition plus équitable des bénéfices et des impôts entre les pays où sont présentes ces entreprises. Il s’agit de transférer une partie des montants habituellement versés aux pays dans lesquels elles payent des impôts aux pays, appelés pays de marché, où ces entreprises exercent une activité sans pour autant y être présentes physiquement.
Le second pilier vise à encadrer la concurrence fiscale entre les pays en introduisant un impôt minimal mondial, basé sur l’impôt sur les bénéfices des sociétés, que tous les pays pourront prélever.
Ces deux piliers ont notamment pour objectifs de donner plus d’autonomie financière aux pays en leur donnant la possibilité d’utiliser l’impôt perçu dans les domaines prioritaires qu’ils ont défini.
Le premier pilier devrait représenter environ 100 milliards de dollars US à réattribuer aux pays de marché et le second pilier devrait générer 150 milliards de dollars US d’impôts supplémentaires par an au niveau mondial, sur la base d’un taux unifié de 15%.
Selon Mathias Cormann, secrétaire général de l’OCDE, cette réforme permet aux entreprises multinationales de payer un impôt quel que soit le pays dans lequel elles interviennent et elle limite la concurrence internationale selon des règles définies et acceptées par les différents pays. Les mises au point techniques doivent se terminer en octobre 2021 pour une mise en œuvre en 2023.
Le 8 octobre 2021, la grande majorité des pays de l’OCDE a validé les deux piliers de la réforme fiscale. En plus d’adapter la fiscalité mondiale à l’économie numérique, la réforme permet de lutter contre l’évasion fiscale en créant un taux d’imposition minimum unique. De manière traditionnelle, les entreprises payent des impôts là où elles produisent des biens mais cette définition n’était plus adaptée aux entreprises du numérique car elles génèrent souvent plus de bénéfices dans les pays où sont les consommateurs qui sont différents des pays de production.
Le premier pilier de la nouvelle fiscalité va ainsi permettre d’imposer les entreprises là où elles génèrent des bénéfices. Mais la réforme ne se limite pas au numérique, concerne tous les secteurs d’activités et les entreprises dont le chiffres d’affaires mondial est supérieur à 20 milliards de dollars US et dont la rentabilité est supérieure à 10%, avec la possibilité d’abaisser le seuil à 10 milliards de dollars en 2028. Pour les entreprises concernées, 25% des bénéfices seront soumis à l’imposition mondiale mais certaines seront exclues de la réforme en raison notamment de l’application d’un seuil de rentabilité de 10%, ce ce seuil devrait concerner Amazon par exemple.
Le second pilier instaurant un impôt minimum ne devrait plus inciter les entreprises à délocaliser le paiement des impôts sur les bénéfices vers des paradis fiscaux. Le pays d’origine d’une entreprise dont le siège social a été déplacé dans un pays appliquant un taux inférieur à !5%, pourra imposer les bénéfices transférés à un taux correspondant à la différence entre le taux de 15% et le taux appliqué dans le pays d’accueil. Les entreprises concernées sont celles ayant un chiffre d’affaires mondial minimum de 750 millions d’euros.
Cette réforme devrait par exemple permettre à l’Union Européenne d’encaisser 48 milliards de recettes supplémentaires environ selon l’observatoire européen de la fiscalité. Cependant, la possibilité de déduire des bénéfices une partie de la valeur des actifs corporels et de la masse salariale, réduit le montant des recettes à venir puisque cette déduction s’élève à 10% la première année et devrait redescendre à 5% en 2033.
Une autre critique est aussi venue des pays en développement car, comme le précise Dominik Gross, expert en fiscalité chez Alliance Sud en Suisse, cette réforme va entraîner un rééquilibrage entre pays riches uniquement, le premier pilier profitant aux pays ayant un grand nombre de consommateurs et le second pilier profitant aux pays accueillant déjà des sièges sociaux d’une certaine taille.
Le 30 octobre 2021, les pays du G20 ont approuvé les 2 piliers de la réforme de la fiscalité internationale en validant le taux d’imposition minimum de 15%. Pour autant, pour que la mise en œuvre soit effective, chaque pays va devoir maintenant traduire ces principes dans sa législation.
Certains législateurs devraient être plutôt réticents, comme aux État-Unis par exemple où la majorité précédente n’était pas favorable à cette réforme car elle ciblait principalement les entreprises américaines du numérique qui ont l’habitude de procéder à des optimisations fiscales pour réduire leur impôt. Les pays émergents, comme l’Argentine auraient souhaité un taux plus proche de la moyenne actuelle de 22% constatée au niveau mondial et certains pays comme le Kenya, le Pakistan, le Sri Lanka ou le Nigéria n’ont pas ratifié l’accord.
Pour Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE, la réforme constitue un réel compromis et reprend une partie des demandes des pays émergents, comme par exemple la prise en compte, pour bénéficier de la redistribution de l’impôt, du seuil de 250.000 euros par an de recettes réalisées dans le pays contre 1 million pour les pays riches.
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Cette réforme est considérée comme un succès car elle officialise pour la première fois la redistribution des richesses vers les pays émergents, même si le nombre d’entreprises concernées est relativement faible, moins d’une centaine d’entreprises pour le premier pilier et environ 10.000 entreprises pour le second pilier.
Inversement, la réforme est aussi une victoire pour les GAFAM puisque cette nouvelle fiscalité mondiale a permis de repousser d’autres projets de taxations spécifiques au numérique, telles que voulait les mettre en place l’Union Européenne notamment. La mise en œuvre de cette réforme à partir de 2023 ne permet pas non plus de compter sur cette manne supplémentaire pour faire face aux dépenses immédiates et aux plans de relance liés à la crise de la Covid-19 avant cette date.
Les pays qui le souhaitent auront également la possibilité de maintenir des taux inférieurs à 15% pour conserver un avantage concurrentiel et d’autres pourront mettre en place des taux supérieurs qui pourrait varier entre 15 et 25% selon un consensus estimé. Enfin, le secteur financier est exclu de l’accord et permet ainsi le maintien des démarches d’optimisation fiscales dans les principaux paradis fiscaux, comme la Barbade ou les Iles Caïman par exemple.
A l’inverse, les sanctions tarifaires votés par des législations nationales et mises en place pour contrebalancer des taux d’imposition jugés trop favorable devraient substantiellement diminuer, les entreprises étant désormais soumises à un taux d’imposition unique.
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