ActualitéCovid--19

Covid-19 : et si la météo expliquait tout ?

Covid-19 : et si la météo expliquait tout ?

CORRÉLATION – La diminution de la circulation du virus en France fait ressurgir l’hypothèse d’un impact de la météo sur l’épidémie. Se confirme-t-elle ? On fait le point sur l’état de nos connaissances en la matière.

 
Le retour du printemps et d’un relatif beau temps permettent-ils d’expliquer le coup d’arrêt de l’épidémie ? Bien qu’elle reste soutenue, avec environ 14.000 nouveaux cas de Covid-19 par jour en moyenne, la circulation du virus diminue en France, où un pic épidémique avait été atteint mi-avril. Et cette tendance n’est pas réservée à l’Hexagone, la troisième vague semblant aussi amorcer une décrue sur une grande partie du continent selon les chiffres publiés par les pays européens, et ce malgré les méthodes différentes employées.
 
De quoi conforter la théorie selon laquelle le coronavirus suivrait le cycle des saisons. Que nous disent les dernières études sur ce lien potentiel entre la météo et la circulation du virus ? Confortent-elles l’expérience des précédentes vagues ?
 

Que disent les études ?

Deux récentes études suggèrent entre autres que la lumière du soleil a un effet protecteur contre le Sars-Cov-2, rapporte Futura sciences. La première, menée par des scientifiques de l’université d’Édimbourg (Écosse) conclut à une mortalité moindre dans les zones où l’exposition est accrue tandis que la seconde, menée à l’université de Californie, fait état d’une désactivation particulièrement efficace du Covid-19 par exposition au soleil. 

Dans le cadre d’une étude réalisée par le centre hospitalier de Valenciennes (Nord) et publiée en décembre, trois chercheurs avaient quant à eux superposé la courbe des températures et celle des admissions en réanimation du 31 mars 2020 au 10 mai 2020. Ce qu’il en est ressorti est digne d’un quasi-effet miroir : plus la température augmente, plus les admissions en réanimation baissent. Le même phénomène a été observé en se penchant sur la courbe des décès du Covid, la hausse des températures s’accompagnant d’une baisse des décès.

De son côté, l’Institut Pasteur avait déjà mis en avant dans une pré-étude la “dépendance importante de la transmission du SARS-CoV-2 à la météo” et au climat est confortée. Plus en détail, elle engendrerait une augmentation de 0,16 du R0 pour chaque degré perdu sous une température moyenne de 10°C. En revanche, sous 0°C, la dynamique de la propagation semble changer et la corrélation n’est plus du tout évidente, était venue préciser une étude publiée fin 2020 par Predict Service. 

Toujours selon cette filiale privée de Météo-France, le virus affectionne les températures comprises entre 3 et 17°C et un taux d’humidité compris entre 35 et 85%. En projetant ces conditions au niveau mondial, il apparaît que le mois de janvier semble particulièrement propice à la circulation virale, tandis que le risque de transmission baisse considérablement quand on s’approche du printemps. 

 

Comment expliquer le potentiel impact des températures ?

Pour le principal auteur de ces études françaises, le professeur Mehdi Mejdoubi, trois facteurs accompagnant la hausse des températures permettrait d’expliquer la baisse du nombre de cas graves et de décès. Les deux premiers sont biologiques, le dernier social. Plus en détail, le chercheur conclut que plus il fait chaud et plus les aérosols – responsables de la diffusion du virus – sèchent vite et s’évaporent, limitant ainsi le risque de propagation. 

D’autre part, plus il fait chaud, plus notre système immunitaire est résistant, les muqueuses étant plus faibles en hiver et moins résistantes aux virus qu’en été. Enfin, plus il fait chaud, moins les gens vivent confinés puisqu’ils vivent plus dehors et aèrent leurs maisons.

Une théorie qui se confirme au fil des mois ?

Pour mémoire, en octobre dernier, le retour en force du virus avait justement été attribué par certains aux premiers rafraîchissements de l’automne, indépendamment des comportements humains. Alors que l’épidémie reprenait doucement, une hausse des cas fulgurante avait été enregistrée en France comme à travers le reste du continent. “Il se passe quelque-chose”, avait notamment commenté le Directeur général de la Santé Jérôme Salomon, soulignant que les conditions météorologiques avaient “profondément changé” deux semaines avant cette nouvelle vague. 

Une analyse partagée à l’époque par le professeur Arnaud Fontanet, qui notait sur France 5 que la circulation du coronavirus après la “rentrée scolaire, universitaire et professionnelle” s’était stabilisée” avant “quatre jours de froid entre le 24 et le 27 septembre”. Un rafraichissement qui pouvait expliquer qu’“une semaine plus tard, le nombre de cas a augmenté de façon très, très brutale”. 

“Ce que l’on a pu voir dans l’hémisphère sud de juin à septembre montre que la pression due à la saison froide est très forte sur ce virus”, soulignait quant à lui l’épidémiologiste Antoine Flahault. “Quel est le rôle de la température et de l’humidité et le rôle respectif des comportements ? C’est très difficile de le dire”, tempérait-il toutefois, alors que les données se contredisent encore sur le sujet.

La prudence reste de mise

“C’est toute la problématique de la causalité et de la corrélation”, a commenté ce mardi Gilbert Deray, professeur de médecine et chef du service de néphrologie à la Pitié-Salpêtrière, interrogé à ce sujet sur LCI. “Sur un problème aussi complexe et mondial, il suffit d’aller chercher quelques éléments dans le monde et vous ferez la démonstration que vous voulez”, estime-t-il, évoquant des travaux qui divergent en la matière. 

“Il y a des études qui disent qu’il y a effectivement un lien entre températures et Covid, c’est-à-dire plus ça monte moins il y a de Covid ; il y a plein d’études qui disent qu’il n’y a pas de corrélation et même une norvégienne qui dit l’inverse c’est-à-dire que plus les températures montent plus il  y a de Covid”, résume-t-il précisant avoir “regardé de près la littérature” et notamment les synthèses de l’institut Johns Hopkins. 

S’il y a avait une forte influence, on l’aurait sentie- Pr Gilbert Deray sur LCI

“Je crois qu’il faut rester prudent”, conclut-il. “Voilà ce que je pense qu’il faut retenir : est-ce qu’il y a une corrélation qui fait causalité ? Non. Est-ce que la corrélation est forte pour autant ? Non plus. D’ailleurs le Covid a explosé dans plein de pays où il fait 40°C comme l’Inde, le Brésil ou l’Afrique du Sud donc s’il y a avait une forte influence, on l’aurait sentie”. Et de s’attarder sur un exemple franco-français : “Quand vous regardez Paca, c’est un bel exemple”.

 

“On sait que cette pandémie comporte plusieurs facteurs de contamination, la météo en est un mais elle ne fait pas tout”, concède Alix Roumagnac, président de Predict Services. “C’est pas parce que les conditions météo sont favorables qu’on peut faire n’importe quoi”, poursuit-il, faisant valoir que “les études semblent montrer que la météo représenterait un facteur de 25% dans la compréhension de la transmission du virus”. 

De quoi inviter à ne pas baisser la garde malgré l’arrivée des beaux jours et l’accalmie observée sur le front de l’épidémie. “Pour cet été, il ne faut pas se dire que parce que les températures vont monter, la Covid va disparaître, il faut maintenir les gestes barrières et les masques, même s’il faut 35 degrés, on enlève rien”, insiste encore le Pr Deray, “sauf à l’extérieur, à la plage et quand on est seul”.

Audrey LE GUELLECE 

 
 
 
Share on

Comment here