Avec les conséquences du changement climatique, se pose inévitablement la question de l’évolution de nos modes de production et de consommation pour réduire notre empreinte carbone. Une étude parue dans le magazine Nature en 2019 arrive à la conclusion qu’il est nécessaire d’adapter notre consommation de viande pour réduire les émissions de gaz à effets de serre induits par la production de ce secteur d’activité.
Cette conclusion s’est notamment imposée en comparant les effets de la croissance de la population mondiale sur l’augmentation de la demande alimentaire.
L’étude suggère ainsi de passer à un régime beaucoup plus végétarien, en intégrant plus de légumes, noix et végétaux, et en réduisant la consommation de viande rouge de 75%. La viande rouge est principalement ciblée, mais elle est aussi par ailleurs mise en cause dans les maladies cardio-vasculaires, même si la viande blanche est également concernée par les réductions préconisées.
L’augmentation de la demande alimentaire va de pair avec le développement et la production mondiale de viande qui a été multiplié par 4 en 50 ans, si bien qu’un citoyen d’un pays industrialisé consomme actuellement 76 kilos de viande par an contre 43 kilos en moyenne dans le reste du monde. Si la tendance n’évolue pas, les émissions de gaz à effet de serre du monde agricole devraient augmenter de 30% d’ici 2050 et donc aggraver le réchauffement climatique.
L’importance de cibler la production de produits d’origine animale s’explique par la part que cette production représente, de l’ordre de 72 à 78%, dans la production de gaz à effet de serre du secteur agricole. La production d’un kilo de bœuf génère ainsi 32,5 kilos de CO2, contre 2,9 kilos pour le porc et 0,06 kilo pour les légumes.
En parallèle, la production de viande nécessite une superficie de terre agricole toujours plus importante, bien souvent obtenue par la déforestation, comme en Amazonie où il est estimé que 75% des terres brûlées l’ont été au profit de la production animale ou de la production de céréales destinées à la nourriture des animaux.
Cette mono-activité pose un véritable problème de ressources alimentaires et crée un double risque, celui de ne pas faciliter le retour à l’exploitation moins intensif de ces terres pour d’autres usages agricoles et celui de restreindre la quantité de terres disponible pour l’agriculture en raison du changement climatique.
Les carcasses de boeuf stockées à l’abattoir de Perpignan © Radio France
L’étude de Nature, projette une population mondiale de 9 milliards en 2050 et estime que cette évolution sans changement dans la façon de produire et consommer augmenterait notablement le poids du monde agricole sur les contraintes environnementales. Une première étape pour réduire cet impact passe par la réduction du gaspillage alimentaire puisqu’actuellement 30% environ de la production mondiale est gaspillée, soit 1,3 milliards de tonnes de nourriture chaque année.
L’évolution de nos comportements alimentaires pourrait être facilitée par la Covid-19, épidémie d’origine animale. La mouvance animaliste et anti-spéciste fait déjà le lien entre consommation de viande et risque environnemental et sanitaire pour la planète, en affirmant que la plupart des épidémies sont liées à la consommation de viande, comme la vache folle, Ébola ou les grippes aviaires, pour en déduire que ce type de production met les habitants de la planète en danger.
Selon Marianne Celka, sociologue et enseignante à l’Université de Montpellier, l’actuelle pandémie permet aux défenseurs de la cause animale de pointer du doigt le nécessaire changement à adopter dans notre relation avec les animaux si l’on veut éviter de nouvelles catastrophes.
Cependant, du point de vue scientifique, il n’y a pas de relation entre consommation de viande et coronavirus mais plutôt avec notre mode de vie en proximité avec les animaux.
Selon Didier Pittet, épidémiologiste aux Hôpitaux universitaires de Genève, cette cohabitation, qui a façonné notre civilisation depuis la préhistoire, provoque naturellement la transmission des virus des animaux vers les hommes jusqu’à ce que l’être humain devienne immunisé. Pour éviter tout nouveau coronavirus, la solution radicale consiste alors à arrêter tout contact avec les animaux.
Un juste milieu peut être celui des réglementations sanitaires établies pour éviter les contaminations, notamment en occident, alors que d’autres pays sont moins rigoureux, comme dans le Sud-Est asiatique et en Chine en particulier d’où sont issus les derniers coronavirus connus. Cette pandémie a donc permis la montée en puissance des arguments en faveur d’une meilleure hygiène animale qui passe par des exploitations de plus petites tailles qui tiennent compte du bien-être physique et psychique des animaux et moins tournées vers le rendement à outrance.
Selon Raphaël Alettaz, Professeur de biologie de la conservation, la protection de l’environnement et de la biodiversité est essentielle pour éviter de nouvelles pandémies car c’est notamment la destruction d’habitats naturels par l’homme qui a entraîné à la fois la raréfaction d’espèces hôtes de virus et augmenter la probabilité de la transmission de ces virus à l’homme puisque la probabilité d’être en contact avec des espèces sauvages porteuses de virus augmente.
De plus l’intensification de l’agriculture a considérablement réduit le nombre d’espèces domestiquées et par là même, les possibilités de recombinaisons génétiques lorsque ces espèces sont contaminées. Le nombre d’animaux hôtes diminuant, la chaîne de transmission plus courte ne permet plus aux virus de diluer leur dangerosité à chaque nouvelle transmission. Les virus se transmettent de manière plus directe avec un degré de dangerosité plus grand.
La relation que l’espèce humaine décidera d’entretenir avec les animaux et la manière dont elle envisagera de continuer à transformer la biodiversité pour se développer conditionneront la probabilité de développer un nouveau coronavirus.
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Les premiers effets de cette prise de conscience se retrouvent au niveau de l’alimentation et du développement du végétarisme dans des secteurs à priori plutôt éloignés, tels que la restauration rapide avec le lancement de sandwichs végétariens par les chaînes A&W et Burger King par exemple.
Dans ce cadre, le secteur industriel évolue pour répondre aux attentes des consommateurs et proposer des produits équivalents à ceux avec viande qu’il s’agisse de bacon vegan ou de thon sans poisson. Concernant le poisson, l’industrie cherche à répondre aussi aux préoccupations liées à la surexploitation des océans et à la présence de plastique dans la chaîne alimentaire.
De même, cette prise de conscience concerne désormais l’industrie de la cosmétique et de la mode qui commence à utiliser du cuir végétal, cuir d’ananas chez H&M ou cuir de pomme porté par le designer Philippe Stark par exemple.
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A ce jour, ce sont plus de 40 start-up au niveau international qui travaillent à la création de viande, poisson, fruits de mer végétariens ou équivalents destinés à l’alimentation humaine. Certaines d’entre elles bénéficient du soutien de géants de l’industrie agro-alimentaire comme Tyson ou Bell Food Group qui souhaitent ne pas manquer le virage de la viande de culture. Des analystes comme A.T. Kearny ou RethinkX estiment que la part de ces nouveaux procédés de production pourraient représenter 35% de la consommation de viande en 2040 et 70% du marché de la viande dès 2030.
Ces perspectives doivent encore franchir de nombreux obstacles, comme notamment celui du prix, estimé à 50 dollars le kilos en prix de lancement, mais également celui du contrôle des produits afin de se prémunir contre de nouveaux scandales sanitaires. Enfin, rien n’indique que le consommateur préfèrera ce type de produits industriels à des équivalents naturels déjà présents sur le marché et moins cher. Les dernières clarifications concernent l’impact environnemental de ces nouvelles productions par rapport à la production agricole classique qui est elle-même en pleine mutation pour réduire son impact, et celui des effets de la consommation régulière de ces viandes et poissons de synthèse sur la santé.
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