PRODUIT DE LUXE – Depuis le premier déconfinement en 2020, la palette de bois s’est inscrite dans le paysage urbain. Elle fut de toutes les réjouissances lors de la réouverture des terrasses éphémères, dont elle est un matériau essentiel. Mais avec la hausse du prix du bois et une demande qui monte en flèche, la pénurie guette, et le cours de la palette flambe.
Un cours qui s’est envolé avec la pandémie
Au-delà des terrasses, la palette est un objet dont l’omniprésence dans notre quotidien la rendrait presque invisible. Elle est de tous les transports de marchandises, de toutes les livraisons, de tous les chantiers. Une culture de la récupération tendait aussi, ces dernières années, à fabriquer divers éléments de mobilier d’intérieur avec ce matériau industriel, fait d’un bois de qualité médiocre.
La “palette de manutention”, de son vrai nom, est en fait au cœur de notre économie marchande. On a beaucoup parlé de la “révolution du conteneur”, mais en négligeant cet élément modeste, qui lui est pourtant indispensable. La palette est en effet ce qui permet de rationaliser le transport en organisant le remplissage des contenants, quels qu’ils soient.
Or, les palettes subissent de plein fouet les soubresauts d’une économie entravée par la pandémie. Ainsi, à chaque déconfinement correspond une reprise brusque de l’activité marchande : aussitôt la demande de palettes s’envole, que l’offre peine à suivre. Situé entre 9 et 12 dollars en 2020, son cours a dépassé les 15 dollars en 2021, et continue de monter en flèche. En cause, une pénurie du bois et des clous préexistante, dont la pandémie a aggravé les effets, avec la perturbation des filières d’approvisionnement.
Un objet de luxe… et de convoitise
Qu’on lui soit favorable ou franchement hostile (voir ci-dessus), la palette a envahi les rues. La tendance préexistait à l’épidémie, et elle s’est accélérée depuis. Des artisans se sont adaptés et proposent leurs services. Ainsi, les restaurateurs sont souvent démarchés pour l’installation de leur terrasse, mais à des tarifs souvent trop élevés.
C’est le cas pour Mamadou Cissé, qui gère un restaurant dans le 11e arrondissement de Paris, et qui a vu les offres se succéder. Mais “les délais étaient trop longs et le prix était trop élevé, d’autant qu’il s’agissait d’une location”, explique-t-il. Le patron de l’Insomniac a finalement préféré réaliser seul l’installation, pour un prix de revient d’environ 1000 €. Il a récupéré lui-même les palettes dans la rue au fil du temps, en comptant sur un peu de chance : l’objet est devenu rare, et les palettes ne traînent plus très longtemps sur les trottoirs.
À un jet d’olive apéritive de là, José Villanueva peine à construire la terrasse de son restaurant péruvien. Les 3000 € qu’on lui demandait pour une location semblaient franchement rédhibitoires, et il s’est attelé au travail lui-même, avec des amis. Les palettes sont “récupérées un peu partout, auprès de professionnels du bâtiment”, mais la facture des matériaux nécessaires à les habiller dépasse déjà les 2000 euros.
Un jeune restaurateur du même arrondissement a vécu une mésaventure plus sérieuse : la terrasse qu’on venait de lui livrer a été volée avant même d’être assemblée. Près de 5000 euros versés, pour une location de trois mois, se sont volatilisés en une nuit. “Un travail de professionnels” selon lui, qui témoigne de la valeur marchande acquise par ce matériau qui semblait dérisoire avant la pandémie.
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