Par Louis Torronde – C19 News
La France a vacciné la première patiente le 27 décembre 2021 contre le 08 décembre en Grande-Bretagne et 19 décembre en Israël. Et si l'Allemagne ou l'Italie ont débuté la vaccination à la même période que la France, le rythme de vaccination est bien supérieur puisque l'Allemagne et l'Italie ont déjà vacciné plus de 400.000 personnes au 08 janvier 2021 contre seulement 80.000 personnes en France.
https://ourworldindata.org/covid-vaccinations
Le retard pris par la France pour administrer le vaccin à la population est à la fois le résultat de son organisation administrative et de la prudence des dirigeants face aux conséquences politiques des risques que pourraient faire courir le vaccin sur la santé, des crises et des polémiques apparues ces dernières années ayant échaudé le volontarisme du gouvernement.
Depuis plusieurs années, les progrès pharmaceutiques permettent de proposer un nombre toujours plus grand de vaccins pour prévenir des maladies graves, tel que le cancer pour le vaccin contre le papillomavirus humain par exemple. Pour autant, ces découvertes s'accompagnent également d'études et de découvertes qui remettent en question les rapports bénéfices/risques de certains vaccins, comme le BCG qui est passé du statut obligatoire à facultatif, ou alertent sur la dangerosité de certains composants, comme le mercure avec le vaccin du ROR par exemple. Ainsi, les gouvernements successifs préfèrent-ils laisser de plus en plus la décision de la vaccination, pour les vaccins non obligatoires, au libre arbitre et au choix individuel des français (11 vaccins sont obligatoires en France pour les enfants nés à partir de 2018).
Dans ce contexte, l'argumentaire développé par certaines personnalités scientifiques contre la vaccination s'appuie sur l'absence de certitudes incontestables dans le rapport bénéfices/risques en faveur du vaccin. Parallèlement, les nouveaux moyens de communications permettent à une proportion toujours plus importante de la population d'avoir accès à ces informations et de se laisser convaincre par les arguments présentés.
La réticence d'un nombre croissant de français envers la vaccination s'expliquent donc principalement par l'absence de certitudes sur les risques d'un vaccin ou d'un de ces composants, tel que l'aluminium par exemple ou le lien entre un vaccin et le risque de développer une maladie, telle que la sclérose en plaque avec le vaccin de l'hépatite B, et cela même si la maladie développée peut être mortelle.
https://www.doctissimo.fr/html/sante/mag_2000/mag3/sa_1748_hepatb.htm
Cette réticence d'une partie de la population oblige les dirigeants politiques français à adapter leurs décisions sur la vaccination pour privilégier plus de pédagogie et une meilleure adhésion volontaire de la population. Cette démarche s'explique d'autant plus que la France a connu dans les années 80 un scandale lié à l'absence de transparence dans des décisions médicales et politiques, l'affaire dite du sang contaminé. A l'époque, des ministres avaient suivi l'avis d'experts qui avaient mal conseillé ou avaient délibérément caché la vérité sur la transmission du VIH lors des transfusions sanguines.
https://www.franceinter.fr/emissions/affaires-sensibles/affaires-sensibles-08-decembre-2014
Cette affaire a profondément modifié la confiance des français dans la parole scientifique et politique de la santé. Les conséquences se ressentent aujourd'hui dans les décisions prises pour lutter contre la Covid-19. Un ministre, à l'époque, ayant été condamné pour manquement à une obligation de sécurité et de prudence, les ministres actuels ne souhaitent pas se retrouver dans une situation identique et privilégient une prudence, jugée excessive par certains, pour limiter au maximum les risques et les incertitudes.
Les dirigeants français ont ainsi fait le choix d'organiser une visite médicale avant vaccination pour recueillir les consentements et s'assurer de l'absence de contre-indication. A cette précaution, s'ajoute le centralisme administratif qui ne prévoit pas la mise en place de centres de vaccination décentralisés en dehors des établissements médicaux. Cette centralisation et la rigidité administrative sont les principaux freins au démarrage de la campagne de vaccination en France.
Mais le gouvernement, à la demande du chef de l'Etat, a décidé, début janvier, de simplifier l'organisation initialement prévue pour accélérer le rythme de la vaccination. Cette évolution de stratégie est à mettre en relation avec les préparatifs de la campagne pour les élections présidentielles de mai 2022. Les décisions prises maintenant auront certainement un impact sur l'image des futurs candidats et les décideurs doivent, dès maintenant, penser à tenir compte d'un futur électorat qui n'est pas homogène face à la vaccination et qui oblige le gouvernement à prendre en considération les différentes attentes mais aussi les craintes vis à vis de la vaccination.
Cependant, la France n'est pas la seule à connaître des difficultés liées à la campagne de vaccination, d'autres pays européens tels que l'Allemagne ou l'Espagne connaissent des contre-temps logistiques, des dirigeants d'autres pays, tel qu'au Canada, sont aussi critiqués pour leur relative lenteur. Contrairement à d'autres pays, tels que les Etats-Unis et Israël par exemple, la France a décidé de hiérarchiser la population à vacciner et de commencer par la population la plus fragile. Et si la Grande-Bretagne a aussi fait le choix de vacciner en priorité dans les maisons de retraite, la campagne de vaccination a débuté 1 mois plus tôt qu'en France, ce qui s'est traduit par un écart exponentiel du nombre de personnes vaccinées début janvier.
L'ensemble des spécificités françaises, à la fois médicales, administratives et politiques, expliquent la lenteur de la France sur la première semaine de vaccination. Une légère accélération est observée depuis début janvier et devrait s'intensifier. Pour autant le gouvernement assume les précautions prises, comme le recueil des consentements, et la stratégie mise en oeuvre.
Le calendrier vaccinal a été précisé depuis fin décembre et le million de personnes vaccinées fin janvier reste l'objectif cible du gouvernement.
Louis Tourronde