L’influence de la peste noire sur nos gènes

 

Une équipe internationale de chercheurs a découvert à partir d’ADN anciens que notre système immunitaire avait évolué depuis la pandémie qui sévit vers 1346 pour intégrer des gènes protecteurs de la peste noire, mais les résultats ont aussi montré que ces gènes étaient désormais impliqués dans le développement de maladies auto-immunes.

La peste noire est la pandémie la plus meurtrière que l’humanité ait connu jusqu’ici, tuant de 30 à 50% de la population en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord entre 1346 et 1353. Dans une étude publiée dans la revue Nature, l’un des co-auteurs de l’étude, Javier Pizarro-Cerdá, explique que le bacille de la peste est l’une des bactéries plus virulentes qui existent sur terre et il précise que l’équipe s’est intéressée à comprendre les mécanismes de pathogénicité de cet agent et les réponses immunitaires qui sont apportées après une infection chez l’être humain.

Les maladies infectieuses exercent une pression sélective forte sur les espèces, elles ont ainsi des effets sur l’évolution humaine et pourraient expliquer en partie la composition de notre génome immunitaire. L’équipe internationale a choisi d’étudier le bacille de la peste et l’influence qu’il pouvait avoir sur les gènes protecteurs de la maladie.

Les scientifiques ont analysé 516 échantillons d’ADN issus de victimes et de survivants de la pandémie prélevés dans des cimetières à Londres et au Danemark. L’équipe a pu identifier des différences génétiques qui ont déterminé les individus qui avaient survécu ou pas à la pandémie et elle a notamment isolé quatre gènes intervenant dans la production de protéines qui défendent notre système immunitaire contre des agents pathogènes.

Les chercheurs ont également découvert que différentes versions de ces gènes, appelés allèles, pouvaient soit protéger de la peste, soit à l’inverse rendre l’organisme vulnérable à l’infection. Le gène ERAP2 a particulièrement attiré l’attention des scientifiques, car deux copies identiques de ce gène semblent protéger l’individu qui les porte de la peste.

La chance de survie pour ces individus serait de 40 à 50% plus importante que pour les individus portant deux allèles différents de ce gène. Le co-auteur de l’étude et chercheur à l’institut Pasteur, Christian Demeure, explique que la bonne version d’ERAP2 présente dans le corps semble avoir été déterminant pour que les cellules immunitaires arrivent à détruire les bactéries de la peste noire.

Luis Barreiro, généticien et aussi co-auteur de l’étude, précise que l’avantage sélectif associé à la position du gène sur le chromosome, le locus, est l’un des plus puissants jamais rapporté chez l’être humain et témoigne de l’importance de l’impact que peut avoir un seul pathogène sur l’évolution du système immunitaire.

Les résultats de cette étude montrent que notre organisme a su s’adapter pour lutter contre les agents pathogènes responsables de la peste noire lorsque celle-ci est apparue. Cependant, les maladies évoluent dans le temps et aujourd’hui ERAP2, qui protégeait de la peste noire au Moyen-Âge, est désormais associé à une susceptibilité accrue d’être atteint par des maladies modernes, notamment les maladies auto-immunes telles que la maladie de Crohn et la polyarthrite rhumatoïde.

La vulnérabilité actuelle de l’organisme humain à certaines maladies modernes en raison de certaines caractéristiques de son génome résulte encore pour partie de l’influence d’anciennes pandémies.

https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/systeme-immunitaire-peste-noire-marque-nos-genes-influence-encore-notre-sante-aujourdhui-101

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L’influence de la peste noire sur nos gènes

 

Une équipe internationale de chercheurs a découvert à partir d’ADN anciens que notre système immunitaire avait évolué depuis la pandémie qui sévit vers 1346 pour intégrer des gènes protecteurs de la peste noire, mais les résultats ont aussi montré que ces gènes étaient désormais impliqués dans le développement de maladies auto-immunes.

La peste noire est la pandémie la plus meurtrière que l’humanité ait connu jusqu’ici, tuant de 30 à 50% de la population en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord entre 1346 et 1353. Dans une étude publiée dans la revue Nature, l’un des co-auteurs de l’étude, Javier Pizarro-Cerdá, explique que le bacille de la peste est l’une des bactéries plus virulentes qui existent sur terre et il précise que l’équipe s’est intéressée à comprendre les mécanismes de pathogénicité de cet agent et les réponses immunitaires qui sont apportées après une infection chez l’être humain.

Les maladies infectieuses exercent une pression sélective forte sur les espèces, elles ont ainsi des effets sur l’évolution humaine et pourraient expliquer en partie la composition de notre génome immunitaire. L’équipe internationale a choisi d’étudier le bacille de la peste et l’influence qu’il pouvait avoir sur les gènes protecteurs de la maladie.

Les scientifiques ont analysé 516 échantillons d’ADN issus de victimes et de survivants de la pandémie prélevés dans des cimetières à Londres et au Danemark. L’équipe a pu identifier des différences génétiques qui ont déterminé les individus qui avaient survécu ou pas à la pandémie et elle a notamment isolé quatre gènes intervenant dans la production de protéines qui défendent notre système immunitaire contre des agents pathogènes.

Les chercheurs ont également découvert que différentes versions de ces gènes, appelés allèles, pouvaient soit protéger de la peste, soit à l’inverse rendre l’organisme vulnérable à l’infection. Le gène ERAP2 a particulièrement attiré l’attention des scientifiques, car deux copies identiques de ce gène semblent protéger l’individu qui les porte de la peste.

La chance de survie pour ces individus serait de 40 à 50% plus importante que pour les individus portant deux allèles différents de ce gène. Le co-auteur de l’étude et chercheur à l’institut Pasteur, Christian Demeure, explique que la bonne version d’ERAP2 présente dans le corps semble avoir été déterminant pour que les cellules immunitaires arrivent à détruire les bactéries de la peste noire.

Luis Barreiro, généticien et aussi co-auteur de l’étude, précise que l’avantage sélectif associé à la position du gène sur le chromosome, le locus, est l’un des plus puissants jamais rapporté chez l’être humain et témoigne de l’importance de l’impact que peut avoir un seul pathogène sur l’évolution du système immunitaire.

Les résultats de cette étude montrent que notre organisme a su s’adapter pour lutter contre les agents pathogènes responsables de la peste noire lorsque celle-ci est apparue. Cependant, les maladies évoluent dans le temps et aujourd’hui ERAP2, qui protégeait de la peste noire au Moyen-Âge, est désormais associé à une susceptibilité accrue d’être atteint par des maladies modernes, notamment les maladies auto-immunes telles que la maladie de Crohn et la polyarthrite rhumatoïde.

La vulnérabilité actuelle de l’organisme humain à certaines maladies modernes en raison de certaines caractéristiques de son génome résulte encore pour partie de l’influence d’anciennes pandémies.

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