La collision entre la Terre et un objet de dix kilomètres de diamètre il y a soixante-cinq millions d’années a probablement entraîné l’extinction du crétacé et provoqué la disparition de 75% des espèces vivantes. Des études sont nombreuses à s’être penchées sur les risques d’impacts par un astéroïde mais peu se sont intéressées au risque posé par les astéroïdes géants et les comètes géantes de longue période, dites LPC, supérieures à deux cent ans.
Ces objets représentent néanmoins une réelle menace car la probabilité d’impact avec une de ces comètes est plus grande sur les cent prochaines années qu’avec un astéroïde, aucun des astéroïdes recensés n’étant sur la trajectoire de la Terre, alors que pour les LPC, leur trajectoire n’est pas connue.
De fait, sur le long terme, la probabilité d’impact est nettement plus forte avec un ratio d’une chance sur dix pour le prochain milliard d’année. Jean-Marc Salotti, Professeur des Universités à Bordeaux INP, membre de l’International Academy of Astronautics et de l’association Planète Mars, s’est intéressé au risque d’une collision entre un objet qui aurait dix fois la taille de celui qui a provoqué l’extinction du crétacé.
La collision avec un objet, astéroïde ou comète, de cent kilomètre de diamètre, rendrait la planète inhospitalière et provoquerait la disparition de nombreuses espèces dont l’espèce humaine. Dans son étude, en collaboration avec Sean Raymond du laboratoire d’astrophysique de Bordeaux, le scientifique s’est concentré sur les probabilités d’impact par un astéroïde géant ou une comète géante de longue période, le temps d’avertissement, la capacité de déviation et le risque d’extinction de l’humanité.
Si les risques sont quasi nuls aujourd’hui, la trajectoire d’un tel objet pourrait se modifier et devenir une menace pour la planète, une probabilité évaluée entre 0,03 et 0,3 pour le prochain milliard d’années. Les possibilités consistant à provoquer l’évitement de la collision restent faibles car selon le scientifique il est pratiquement impossible de dévier un astéroïde géant de sa trajectoire de collision et une simple destruction est impossible avec les moyens technologiques actuels.
La seule possibilité consiste à dévier légèrement l’orbite de l’astéroïde car un déplacement de 12.000 kilomètres, correspondant au diamètre de la Terre, permettrait d’éviter la collision. Cependant, si ce procédé fonctionne en théorie, il pourrait s’avérer insuffisant en raison des incertitudes liées aux paramètres orbitaux des objets proches de la Terre, dits NEO.
Les prédictions des risques de collisions restent aléatoires car elles sont basées sur le calcul des orbites mésurées en siècles et calculées en millions de kilomètres. En prenant l’exemple de l’astéroïde 2021QM1 qui s’est approché de la Terre en 1961 et devrait revenir en 2052 à une distance d’environ un million de kilomètres, les prédictions concernant le calcul de ses paramètres orbitaux restent incertaines et une probabilité existe d’une collision avec la Terre.
En clair, cela signifie qu’il n’est pas possible de prédire dix ans à l’avance si un astéroïde impactera ou non la planète et si la méthode de déviation utilisée provoquera le résultat escompté. Essayer de dévier la trajectoire d’un objet trop longtemps avant la collision pourrait ne pas garantir un impact nul ou à l’inverse augmenter la probabilité de l’impact.
Pour que les stratégies de déviations fonctionnent, il est nécessaire selon Jean-Marc Salotti de maîtriser à la fois les techniques de déviation mais aussi d’améliorer la précision des paramètres orbitaux et le modèle qui prédit la position de la Terre et des NEO des années à l’avance.
Pour une comète de longue période qui serait détecté aux environs de Neptune par exemple, le délai d’avertissement ne dépasserait pas six ans en raison notamment de la vitesse de l’objet, de l’ordre de quarante-deux kilomètres par seconde, et rendrait inopérant une mission de déviation par manque de temps pour la réaliser.
Jean-Marc Salotti retient actuellement trois méthodes de déviations qui paraissent les plus efficaces, bien qu’imparfaites, pour dévier un NEO. Il s’agit de l’explosion nucléaire, l’expulsion lente et guidée de matière et le tir de billard. L’utilisation de l’explosion nucléaire est possible uniquement dans des circonstances spécifiques en fonction de la forme, de la densité et de la structure de l’astéroïde.
L’idée est d’éjecter de grandes quantités de matière de l’astéroïde de manière à ce que la vitesse de la masse éjectée soit suffisamment rapide et la fraction de masse éjectée suffisamment importante pour produire un changement significatif de l’orbite. Il faudrait donc que les explosions nucléaires puissent excaver des dizaines de kilomètres cubes de roche et que les centaines de milliers fusées puissent être envoyées vers le NEO dans un laps de temps très court et dans des fenêtres de tirs ouvertes seulement pendant quelques semaines en fonction de son orbite.
La méthode de l’expulsion lente et guidée consiste également à expulser de la matière de l’astéroïde depuis sa surface. Elle permet de fournir une action continue sur l’objet et de contrôler la vitesse d’éjection de la matière. La technologie des propulseurs ioniques permettrait d’obtenir le résultat escompté et d’excaver 2% de la taille de l’astéroïde pour le faire dévier de sa trajectoire.
Cependant, la taille de l’astéroïde concerne peut poser problème car Jean-Marc Salotti a calculé qu’il faudrait 1.000 ans pour excaver 332 tonnes par seconde pour un astéroïde de 100 kilomètres sur lequel serait installés plusieurs systèmes d’éjections fonctionnant simultanément. La méthode du tir billard consiste à dévier un astéroïde plus petit en le mettant sur la trajectoire de l’objet devant entrer en collision avec la Terre. L’astéroïde plus petit devrait représenter au moins 2% de la masse de l’objet géant et pour le dévier, les méthodes utilisées pourraient être soit l’explosion nucléaire, soit l’expulsion lente et guidée de matière.
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