La lutte contre le réchauffement climatique devient la priorité numéro une de nombreux gouvernements et des instances internationales, mais privilégier de manière disproportionnée les conseils d’activistes climatiques, fait courir le risque d’oublier que ce n’est pas en détruisant l’économie que la planète ira mieux.
Comme le rappelle Elon Musk lors d’une conférence sur l’énergie qui s’est tenue à Oslo en Norvège en août, le monde a encore actuellement besoin de plus pétrole et de plus de gaz.
Des excès dans les critères environnementaux peuvent conduire à des désastres économiques, comme au Sri Lanka concernant l’utilisation d’engrais, pays désormais en faillite, ou aux Pays-Bas avec la paupérisation des agriculteurs. D’autres pays changent de paradigme, comme l’Allemagne par exemple qui décide de devenir pionnier politique de la décarbonisation des cycles économiques après avoir été une superpuissance des énergies fossiles et notamment du charbon.
A l’opposé, des pays en voie de développement, qu’il s’agisse des états tirant leur revenu du pétrole et du gaz ou des principaux consommateurs d’énergies fossiles comme l’Inde et la Chine, n’envisagent pas de remplacer leurs priorités de développement par celles des pays développés, l’exemple le plus parlant étant la construction de la plus grande piste de ski couverte au monde à Dubaï.
La priorité de ces pays reste la lutte contre la pauvreté et le sous-développement. Leurs dirigeants ne sont pas pour autant climato-sceptiques, mais ils s’inscrivent dans un processus de rattrapage de richesse afin de pouvoir égaler celle qu’a réussi à atteindre les pays développés.
La priorité est de sortir le peuple des bidonvilles avant de promouvoir la construction de lotissements écologiques. Alors que 80% de la population mondiale ne sais pas ce qu’est un voyage en avion et que, dans certains pays, moins d’une personne sur vingt possède une voiture, des dirigeants dans les pays développés, à l’instar de Pedro Sanchez en Espagne, demandent à leurs concitoyens de ne pas utiliser la climatisation au-dessus de 27˚C et de ne plus porter de cravate pour économiser de l’énergie.
Ce sont les mêmes hommes politiques parfois qui mettent en place des mesures d’économie d’énergie tout en continuant à voyager en jet privé. Le scientifique libano-américain Nassim Nicholas Taleb décrit la bureaucratie comme une construction par laquelle une personne est commodément séparée des conséquences de ses actions ou qui considère que la malédiction de la modernité est d’être de plus en plus peuplé par une lasse de personnes qui sont meilleurs pour expliquer que pour comprendre ou meilleurs pour expliquer que pour faire.
L’association SOS villages d’enfants indique que deux tiers de la population indienne vit avec moins de deux dollars par jour, soit deux fois la population de l’Union européenne. De même, en Chine un quart de la population vit encore dans la pauvreté avec un salaire moyen rural net de 5,5 euros par jour. Pour ces populations et leurs dirigeants, il est presque certain que le climat n’apparaît pas dans la liste des priorités.
Dans le rapport «Ondes de choc : maîtriser les impacts du changement climatique sur la pauvreté» publié en 2015, Stéphane Hallegate, auteur du rapport et économiste sénior à la Banque mondiale, indique les populations pauvres pourraient le devenir davantage avec les changements climatiques.
Alors qu’aujourd’hui environ 700 millions de personnes vivent en-dessous du seuil d’extrême pauvreté de 1,90 $ de dépenses par habitant et par jour, le rapport montre que 100 millions supplémentaires pourraient dépasser ce seuil d’ici 2030 en raison des seuls changements climatiques si rien n’est fait pour protéger les pays concernés.
Si le développement économique connaît une évolution rapide, se répartit correctement à l’ensemble de la population et que des mesures sont prises pour protéger la population contre le réchauffement climatique, les pays concernés réussiront à éviter l’augmentation de la pauvreté.
Mais si le développement économique est trop lent et que la pauvreté ne diminue pas suffisamment, alors le changement climatique empirera la situation. Cette situation s’explique par la présence d’une importante population pauvre dans les zones tropicales chaudes dans lesquelles une augmentation de quelques degrés peut avoir des conséquences dramatiques.
Ces populations ne disposent pas des ressources pour se protéger contre les phénomènes climatiques et, situation aggravante, vivent dans des logements précaires. Selon le rapport, l’augmentation de la pauvreté liée au changement climatique concernerait pour 40% la population située en Afrique subsaharienne et 50% celle située en Asie du Sud.
Le rapport a identifié trois facteurs de vulnérabilité qui empêchent les personnes de sortir de la pauvreté ou les y font retomber. Il s’agit des chocs sur l’agriculture, des catastrophes naturelles et des problèmes de santé, des facteurs qui vont s’aggraver avec le changement climatique. L’agriculture notamment est très sensible au climat, mais constitue aussi la majeure partie des revenus des plus pauvres et 60% de leur budget est consacré à l’alimentation.
En Ouganda par exemple, s’il pleut 10% de moins que la normale, le revenu des agriculteurs baisse de 20%. Au Nigeria, les plus pauvres ont 50% de probabilité supplémentaire d’habiter dans une zone inondable et 80% pour être touchés par une vague de chaleur, en Colombie la probabilité d’habiter dans une zone inondable passe à 120%.
Au Kenya, 75% des personnes qui sont retombées dans la pauvreté l’attribuent à une maladie ou un décès ayant entraîné des frais de santé ou une perte de revenu. La fréquence de certaines maladies est également liée au climat, comme la malaria qui pourrait toucher 150 millions de personnes supplémentaires avec un réchauffement de 2˚C.
Les estimations obtenues dans le rapport concernent un échantillon représentatif réparti sur 92 pays qui tient compte des sources de revenus et des dépenses à l’horizon 2030 et réalisées à partir de deux scénarios définis par le GIEC, un faible changement climatique et un fort changement climatique.
Afin de limiter les conséquences dramatiques du changement climatique, il est nécessaire de favoriser le développement des pays où vivent les populations les plus pauvres et de mettre en place des politiques sectorielles ciblées sur le climat, comme des systèmes d’alerte et d’évacuation en cas de cyclone ou instaurer un mélange d’arbres et de céréales dans un même champ pour mieux résister aux intempéries.
Le système de protection sociale doit aussi devenir réactif pour être rapidement mobilisé en cas de crise, comme en Éthiopie où les aides financières aux plus pauvres augmentent automatiquement en cas de sécheresse ou au Rwanda qui a mis en place une couverture de base pour la santé. L’utilité d’un tel rapport est de permettre à la COP21, la conférence des parties de Paris de 2015, d’intégrer des objectifs de lutte contre la pauvreté.
https://www.letemps.ch/
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