L’Italie, dont le gaz russe représentait 40% de l’approvisionnement en 2021, a réussi à trouver rapidement d’autres fournisseurs pour devenir un des meilleurs élèves européens en la matière, alors que l’Allemagne, le leader économique de l’Europe, souffre encore de problèmes pour son approvisionnement, dont plus de 50% était assuré par le gaz russe en 2021, et se retrouve au bord de la récession.
Ces deux pays sont souvent comparés, soit sur le plan financier pour les obligations d’État par exemple, le taux allemand à 10 ans étant stable et servant de référence sur le marché, le taux italien étant volatil et servant de référence pour l’autre extrême, ou sur le plan économique et politique, l’Allemagne étant synonyme de stabilité, de travail et d’industrie et l’Italie étant plutôt identifié par rapport au déclin industriel et les crises économiques et politiques qui se suivent les unes après les autres.
Depuis la crise énergétique, la situation a tendance à s’inverser, car l’Allemagne se rapproche de la récession, avec une inflation importante des prix à la consommation, +10% en un an et +19% pour l’alimentation, et des prix à la production, +49% en un an, au plus haut depuis la fin de la seconde guerre mondiale, un secteur industriel qui s’apprête à rationner son énergie et des fournisseurs de gaz sauvés avec l’argent public.
Les réserves de gaz allemandes sont pleines pour assurer un hiver relativement clément, mais la coupure brutale avec son cordon ombilical gazier, Nordstream, explique la situation économique dans laquelle se trouve le pays aujourd’hui. En Italie, le P-DG d’Eni, la principale entreprise d’énergie italienne, Claudio Descalzi a décidé dès le début du conflit en Ukraine de partir à la recherche de nouvelles sources d’approvisionnements et a enchaîné les visites en Algérie, Angola, Égypte ou République démocratique du Congo par exemple.
Certains de ces pays faisaient déjà partie de ses fournisseurs et l’Italie a pu remplacer rapidement ses importations en provenance de la Russie pour ce nouvel approvisionnement, même si Eni a aussi ouvert un compte en roubles en parallèle. L’Allemagne, qui a réussi à faire baisser la part de gaz russe à moins de 10%, en trouvant d’autres partenaires comme le Qatar, se retrouve derrière l’Italie dans la course aux approvisionnements.
Selon l’ancien ministre de l’Industrie Alberto Clò, la personnalité du P-DG d’Eni apprécié dans les pays africains a joué en faveur de l’Italie dans les négociations pour trouver de nouveaux partenaires. L’analyste chez Wood Mackenzie, Martijn Murphy explique aussi cette situation par les liens anciens tissés entre les pays africains et Eni, devenu un des plus gros investisseurs en Afrique du Nord.
En tenant compte de la présence de trois terminaux de GNL en Italie contre aucun en Allemagne, l’Italie, qui ne prévoit pas de rationnement cet hiver, est considéré comme le meilleur pays d’Europe en terme d’approvisionnement. L’Italie avait déjà fait le choix il y a plusieurs années de ne pas devenir trop dépendante de la Russie.
Alors qu’en 2006, de gros contrats étaient encore signés avec Gazprom, à partir de 2014, trois éléments ont facilité la diversification et l’exploration de gisement en Afrique notamment, l’invasion de la Crimée, le changement de gouvernement à la tête de l’Italie, avec le remplacement de Silvio Berlusconi alors Premier Ministre et soutien de Poutine, et l’arrivée de Claudio Descalzi à la tête d’Eni.
Suite aux sanctions prises à l’encontre de la Russie, l’Italie s’est aussi retiré du projet de gazoduc Southstream qui relie la Russie à l’Europe en contournant l’Ukraine et passe par la Hongrie et l’Autriche. Rome a privilégié la construction d’un gazoduc passant par l’Albanie et la Grèce en partenariat avec l’Azerbaïdjan, alors qu’au cours de la même période, l’Allemagne dirigée par Angela Merckel est devenue toujours plus dépendante du gaz russe et a lancé le projet Nordstream2.
Les récentes élections en Italie ont vu la victoire de la coalition d’extrême droite menée par le parti Fratelli d’Italia, allié avec Forza Italia de Silvio Berlusconi et la Lega Nord de Matteo Salvini. Ces deux derniers dirigeants sont réputés être proches de Poutine, comme l’extrême droite et l’extrême gauche européenne de manière générale, et une possibilité existe que le nouveau gouvernement italien cherche à nouveau à se rapprocher de Poutine, voire déconstruire le réseau développé par Eni depuis 2014.
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