Le conflit en Ukraine touche les deux principaux producteurs de céréales du monde et entraîne déjà des conséquences pour de nombreux pays, notamment en lien avec l’inflation des denrées alimentaires.
Le PDG de In Vivo, une des principales entreprises du secteur agricole en Europe, Thierry Blandinières, explique que depuis le début du conflit son entreprise ne peut plus assurer la livraison des engrais, pesticides et autres semences en Ukraine car les routes sont devenues trop dangereuses et que les quelques 3.000 agriculteurs ukrainiens avec les lesquels il travaille, viennent se servir par leur propre moyen.
Cette solution a été mise en place dans l’urgence pour tenir compte de la période particulière des semis, notamment colza, tournesol et maïs, qui doivent être plantés au printemps dans l’une des zones les plus fertiles de la planète, le tchernoziom ukrainien. Dans le même, ce PDG de la coopérative agricole essaie de trouver une solution pour faire sortir d’Ukraine 9.000 tonnes de blé entreposés dans le Sud du pays à Gorodok, Zhashkiv et Karolina.
Il précise qu’avec la fermeture des ports, une solution consiste à acheminer une partie de la marchandise par train à travers la Roumanie, mais avec la contrainte de notamment trouver un assureur et de décharger et recharger au passage des frontières car l’écartement des rails diffère ou d’utiliser des camions.
Si l’approvisionnement en ressources énergétiques a rapidement été considéré comme l’enjeu majeur du conflit, l’enlisement du conflit fait naître une nouvelle crainte, celle d’une crise alimentaire mondiale à l’ampleur inconnue compte tenu du rôle prépondérant joué par les plaines céréalières ukrainiennes.
Le secrétaire général des Nations-Unis, Antonio Guterres, s’en est alarmé et redoute un ouragan de famine et un effondrement du système alimentaire mondial.
Ce risque alimentaire concerne particulièrement le Maghreb et une partie de l’Afrique et pourrait constituer les prémices d’effets de déstabilisation plus importants, notamment sociaux et politiques, ces pays étant déjà fragilisés par deux années de pandémie.
Selon Sébastien Abis, chercheur à l’Institut de recherche d’information socio-économiques et directeur du club Demeter, un écosystème du secteur agricole et agro-alimentaire, les tensions alimentaires actuelles spécifiques à la situation de la Russie et de l’Ukraine en matière agricole s’expliquent d’une part par la décision de Vladimir Poutine de tendre vers l’indépendance alimentaire après l’annexion de la Crimée en 2014 et d’autre part par le tournant agricole pris dans les années 90 par l’Ukraine avec des exportations agricoles multipliés par six en vingt ans.
Aujourd’hui, un tiers du blé tendre, utilisé pour la fabrication du pain notamment, provient de ces deux pays qui sont aussi des exportateurs majeurs pour l’orge, le maïs, le tournesol et le colza. Avec un conflit qui s’éternise, les questions sont de savoir si les semis pourront être plantés à temps et si le récoltes pourront avoir lieu alors que la plupart des hommes sont partis au combat. Le ministère de l’agriculture ukrainien estime que la production agricole locale sera au moins divisée par deux cette année.
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