Par Louis Torronde , le 14 Novembre 2020
La planète entière est prête à marquer la date du 09 novembre 2020 d'une pierre blanche car depuis ce jour, la crise commencée début 2020 laisse entrevoir une embellie pour 2021. L'impact de la pandémie sur les différentes composantes de la société est particulièrement frappant en prenant l'exemple des bourses, et notamment celle de New York. L'évolution du Dow Jones qui gagne 2,95% et du Nasdaq qui recule de 1,53% montre que les secteurs plutôt traditionnels qui ont pâti des conséquences des confinements imposés à travers le monde retrouvent de la vigueur alors que les secteurs technologiques, tels que la vente en ligne qui avaient pu se développer de manière inhabituelle, revienne à un niveau attendu. Ainsi, les différentes de hausses boursières sont liées aux valeurs qui composent les indices de référence, la bourse de Paris augmentant de 7,57%, l'indice européen de 6,36% et Londres de 4,67%, plus proche de l'évolution de l'indice américain. L'annonce de Pfizer permet à la société de respirer et à l'économie de reprendre son cours.
Aux Etats-Unis en particulier, la hausse de la bourse n'a pas été aussi brutale qu'en Europe et elle s'était même amorcée depuis quelques jours en lien avec la probabilité d'une victoire de Joe Biden à l'élection présidentielle et celle d'un Congés divisé, Chambre des représentants pour les démocrates et Sénat pour les républicains.
Dans ce contexte, faut-il voir une corrélation volontaire entre l'annonce des résultats des essais de la phase 3 du vaccin le 09 novembre et l'annonce par les médias des résultats de l'élection présidentielle le 07 novembre, Donald Trump annonçant depuis plusieurs mois qu'un vaccin serait prêt pour la présidentielle ? Et l'annonce anticipée du vaccin aurait-elle pu avoir une incidence sur l'élection américaine ? Il est vraisemblable qu'aucune réponse définitive ne pourra être catégoriquement apportée, permettant aux supporters de Donald Trump d'argumenter en faveur d'une conspiration et aux supporters de Joe Biden de se féliciter de l'enchaînement favorable des événements avant même le début de son mandat.
Tout aussi encourageante que soit l'annonce des laboratoires Pfizer et BioNTech, il ne s'agit que du début de la phase d'homologation du vaccin. Les résultats présentés sont encore partiels et non définitifs car ils concernent uniquement un échantillon des patients de la phase 3 testés sept jours après l'injection de la deuxième dose du vaccin et 28 jours après la première injection. Les résultats sur les effets secondaires, la toxicité ou la durée de l'immunité doivent encore être détaillés et consolidés. L'enthousiasme soulevé vient alors principalement de l'absence immédiate d'effets secondaires et du taux d'efficacité du vaccin de 90% bien au-delà du seuil minimum d'efficacité de 50% fixé par l'OMS pour les vaccins en général.
https://www.franceinter.fr/societe/un-vaccin-contre-la-covid-efficace-a-90-6-questions-sur-l-annonce-de-pfizer
Le protocole de l'étude mis en place par Pfizer et les caractéristiques du vaccin nécessitant 2 injections ne permettait pas de communiquer sur l'efficacité du vaccin avant l'obtention des résultats de la deuxième injection sauf à publier des résultats très partiels. Une telle annonce aurait certainement fait l'objet d'un grand nombre de remarques critiques et sceptiques du monde scientifique et politique, comme cela a déjà pu été le cas préalablement pour les annonces des vaccins chinois et russe. L'annonce après la deuxième injection obligatoire du vaccin de Pfizer lui donne une légitimité scientifique supplémentaire bien qu'incomplète tant que l'ensemble des données de l'étude n'auront pas été publiées.
La communication de Pfizer a fait l'objet d'une attention très particulière. Le directeur général de Pfizer, Albert Bourla, a publié dès la mi-octobre une tribune pour expliquer la stratégie de Pfizer et son indépendance vis-à vis du temps politique. Cette tribune est parue après le premier débat télévisé de la présidentielle américaine mais aussi après la première injection du vaccin testé, si l'on compte à rebours 28 jours à partir du 09 novembre. A la date de la publication, il est probable que Pfizer avait déjà connaissance des résultats prometteurs de la première injection et que le laboratoire ne voulait rien divulguer avant les résultats de la deuxième injection.
https://www.pfizer.com/news/hot-topics/an_open_letter_from_pfizer_chairman_and_ceo_albert_bourla
Après l'annonce du 09 novembre, Albert Bourla confirme dans une interview que les résultats brutes sont arrivés la semaine précédente, que ces résultats ont dû être analysés, compilés et approuvés par un comité d'experts indépendant de Pfizer qui a communiqué ses conclusions définitives le 08 novembre à la direction générale, pour une annonce le lendemain.
La position de Pfizer peut se comprendre au regard des discours scientifiques partagés avec le public depuis l'apparition du virus. La quantité d'avis et contre-avis scientifiques divergents ont montré qu'ils n'étaient pas aussi rigoureux et consensuels que pouvaient le laisser croire la méthodologie et les protocoles scientifiques normalement appliqués. Face à cette cacophonie , il est important que la solution qui sera proposée pour soigner la Covid-19 respecte une telle rigueur scientifique pour être à la fois acceptée par la population et la moins contestée possible. Les premières annonces de résultats des virus russes et chinois n'ont pas respecté cette démarche rigoureuse et expliquent, en partie, la faible adhésion internationale. Dès lors, il devient difficile de croire le laboratoire chinois lorsqu'il affirme que l'arrêt récent de l'essai au Brésil est sans rapport avec le vaccin.
La rigueur scientifique sert également les hommes et les femmes politiques dans leurs prises de décisions et permet d'améliorer leur popularité grâce aux décisions éclairées qu'ils peuvent prendre. Mais seul le temps scientifique est garant de l'efficacité des vaccins et des remèdes qui seront trouvés contre la Covid-19. Ces deux temps, le politique et le scientifique, avancent à des vitesses différentes mais sont complémentaires l'un de l'autre. La concomitance entre l'élection américaine et l'annonce de succès du vaccin de Pfizer ne fait que confirmer cette réalité.
S'agissant de l'élection américaine, le résultat sera définitif lorsque tous les recours judiciaires auront été purgés et Joe Biden aura été investi le 20 janvier 2021.
S'agissant du vaccin de Pfizer, des résultats complémentaires sur la dangerosité du vaccin devraient être connus fin novembre, une procédure accélérée de validation des essais de la phase 3 permettra ensuite de soumettre le vaccin à son homologation par l'agence du médicament américaine puis à son homologation en Europe. Sa commercialisation pourrait être possible dès la fin 2020 au Etats-Unis et début 2021 au niveau européen.
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