Jean-François Lemay
Lauréat du prix Denis-Barbeau de l’Acfas, le biologiste Jean-François Lemay produit des protéines pour les chercheurs universitaires et les entreprises. Elles ont de nombreux usages, dont celui de détecter si une personne a eu le COVID-19.
Quand il était jeune, Jean-François Lemay s’amusait souvent à mélanger du vinaigre et du bicarbonate de soude pour observer la réaction chimique. ” J’en gaspillais beaucoup “, s’amuse ce chercheur en biologie moléculaire au Centre national d’électrochimie et des technologies de l’environnement (CNETE), affilié au Cégep de Shawinigan, qui vient de recevoir le Prix Acfas Denise-Barbeau 2021 pour la recherche collégiale.
Actuellement, le biologiste Jean-François Lemay est devenu une autorité respectée dans le monde scientifique ; il se spécialise dans l’isolement, l’identification, la modification génétique et le suivi des micro-organismes. Une expertise qu’il a mise à profit lorsque le COVID-19 a pris d’assaut la planète. Avec son équipe, il a pensé à produire des protéines qui pourraient aider à combattre le virus SRAS-CoV-2. Il s’est finalement concentré sur la protéine N (nucléocapside). Pourquoi est-elle si importante ?
Une explication rapide, les vaccins COVID-19 ciblent la protéine S qui permet au virus d’infecter nos cellules. Cela signifie que les personnes vaccinées développent des anticorps qui bloquent cette protéine. Mais le virus contient d’autres protéines, dont la N. Cette protéine est présente chez les personnes qui ont contracté le COVID-19 – ce qui permet aux études de séroprévalence de les distinguer des personnes vaccinées qui n’ont jamais été infectées.
BioprocédésNous isolons d’abord un clone de levure (Pichia pastoris) possédant le gène de l’enzyme demandé par le partenaire. Une fois les micro-organismes sélectionnés pour un bioprocédé, il est important d’optimiser les conditions physico-chimiques (par exemple la température, le ph, l’agitation, l’aération, la composition des milieux de culture) afin d’augmenter la production de la biomolécule ciblée. Cinq bioréacteurs de deux litres sont présentés ici. Plusieurs essais de fermentation simultanés permettent de confirmer les conditions optimales en peu de temps.
Recréée de toutes pièces en laboratoire par l’équipe de Jean-François Lemay, la protéine N est maintenant utilisée à diverses fins. Elle est utilisée dans un test de dépistage qui permet de déterminer en quelques minutes si une personne est porteuse ou non d’anticorps ; elle est utilisée par la banque de sang d’Héma-Québec pour suivre l’évolution de l’immunité des Québécois, et elle contribuera au développement de nouveaux vaccins contre le COVID-19.
Ce produit, cette protéine “100% québécoise”, s’est avéré plus efficace que les protéines génériques. “Il est toujours préférable pour les chercheurs de faire produire leurs protéines ici, car c’est moins coûteux que de les commander à l’étranger, mais aussi parce que nous pouvons créer une séquence d’ADN selon leurs besoins spécifiques”, explique Jean-François Lemay. Cette séquence est ensuite insérée dans une bactérie ou une levure qui permet la surexpression de la protéine d’intérêt, puis le chercheur la purifie.
En 2019, le biologiste Jean-François Lemay produisait des protéines pour d’autres domaines, notamment l’alimentation, la cosmétique et la pharmacologie. Malgré la crise, ces projets se poursuivent.
“Par exemple, je dégrade de grosses molécules comme le chitosan, présent dans la carapace des crevettes, en petites molécules qui ont une plus grande valeur ajoutée. Je produis également des protéines pour contrer les troubles oculaires et les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, entre autres.”
Avec un terrain de jeu aussi vaste, gageons que Jean-François Lemay ne manquera pas d’idées pour trouver des solutions aux défis de demain.
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