Le succès en trompe-l’œil du maïs

 

Cette plante qui est le maïs, originaire du Mexique, a conquis la France dans les années 1970 et est devenue indispensable pour nourrir le bétail.

Mais c’est une plante gourmande en eau pendant l’été est de moins en moins adaptée alors que le changement climatique va aggraver les sécheresses en France.

L’agriculture française est devenue le premier exportateur européen de maïs, qui occupe autour de 10% de sa surface agricole utile.

À la base, le mais est destiné à l’alimentation animale – maïs grain pour les volailles, les ovins et les porcs ; maïs fourrage pour les bovins- il s’est imposé dans des régions comme la plaine d’Alsace ou les Landes.

Le mais est cultivé à partir du XVIIe siècle en France, mais le maïs a “d’abord été confiné dans le Sud-Ouest, la région la plus chaude de France et la plus humide”, des conditions qui lui sont favorables, raconte Christian Huyghe, directeur scientifique Agriculture de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae).

C’est grâce aux travaux d’hybridation, “à la fin des années 1940”, que la plante tropicale a pu gagner “des climats un peu plus frais”, poursuit-il. À partir de la fin des années 1960, les superficies récoltées explosent, selon des données de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

À ce jour, la culture du maïs représente près de 3 millions d’hectares, sur les 28 millions d’hectares de surface agricole du pays. Jusque dans les années 1970, les vaches étaient nourries l’été au pâturage et l’hiver au foin, à la paille ou à l’ensilage d’herbe (pour conserver l’herbe humide), rappelle le scientifique, ingénieur agronome.

“Et le maïs est arrivé, avec des machines adaptées, des ensileuses (qui) permettent de faire des gros volumes de stocks qui se conservent facilement, se font très rapidement et en une seule récolte” contre plusieurs pour l’herbe, poursuit-il. Cette “révolution totale” a permis d’énormément simplifier la vie de l’éleveur.

La plante du maïs est toutefois faible en protéines et il a fallu importer des tourteaux de soja pour compléter l’alimentation donnée aux animaux, explique Christian Huyghe. Mais en période de sécheresse estivale, qui seront amenées à s’intensifier avec le réchauffement climatique, “une variété emblématique, le maïs, soulève une question”, soulève Agnès Ducharne, chercheuse au CNRS.

“Pour finir sa croissance et faire de la production agricole valorisable, il a besoin d’eau en juillet et en août, les mois où il y en a moins en France”, souligne-t-elle. Cela pose la question de “réduire la part du maïs dans l’agriculture française pour des cultures plus adaptées à la sécheresse estivale”, poursuit Agnès Ducharne, spécialiste du cycle de l’eau et des impacts du changement climatique.

Il existe un énorme problème avec la culture du maïs, c’est qu’elle demande de l’eau à un moment où les sources ne débordent pas. Pour qu’elle puisse avoir un bon rendement, son irrigation est nécessaire mais “quel système de production permet d’être le plus résilient ? Et est-ce que le maïs a une place là-dedans ?”, interroge Christian Huyghe.

Pour lui, “le maïs va faire partie de la panoplie”, mais “sa part va plutôt être amenée à se réduire” à l’avenir, ce qui va obliger le marché de l’alimentation animale à se réorganiser. “Pour être résilient, un système doit être diversifié”, insiste-t-il. “Une trajectoire d’investissement qui conduirait à maximiser les cultures en maïs” en assurant leur arrosage avec de grandes réserves d’eau “fragiliserait le système”, met-il en garde.

De manière plus large, la production de viande, via l’élevage intensif, a plus d’impacts environnementaux que celle d’autres produits alimentaires, selon des études scientifiques. Des ONG prônent donc de réduire la consommation de viande et de privilégier l’élevage du bétail nourri à l’herbe.

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Le succès en trompe-l’œil du maïs

  Cette plante qui est le maïs, originaire du Mexique, a conquis la France dans les années 1970 et est devenue indispensable pour nourrir le bétail. Mais c'est une plante gourmande en eau pendant l'été est de moins en moins adaptée alors que le changement climatique va aggraver les sécheresses en France. L'agriculture française est devenue le premier exportateur européen de maïs, qui occupe autour de 10% de sa surface agricole utile. À la base, le mais est destiné à l'alimentation animale - maïs grain pour les volailles, les ovins et les porcs ; maïs fourrage pour les bovins- il s'est imposé dans des régions comme la plaine d'Alsace ou les Landes. Le mais est cultivé à partir du XVIIe siècle en France, mais le maïs a "d'abord été confiné dans le Sud-Ouest, la région la plus chaude de France et la plus humide", des conditions qui lui sont favorables, raconte Christian Huyghe, directeur scientifique Agriculture de l'Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). C'est grâce aux travaux d'hybridation, "à la fin des années 1940", que la plante tropicale a pu gagner "des climats un peu plus frais", poursuit-il. À partir de la fin des années 1960, les superficies récoltées explosent, selon des données de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). À ce jour, la culture du maïs représente près de 3 millions d'hectares, sur les 28 millions d'hectares de surface agricole du pays. Jusque dans les années 1970, les vaches étaient nourries l'été au pâturage et l'hiver au foin, à la paille ou à l'ensilage d'herbe (pour conserver l'herbe humide), rappelle le scientifique, ingénieur agronome. "Et le maïs est arrivé, avec des machines adaptées, des ensileuses (qui) permettent de faire des gros volumes de stocks qui se conservent facilement, se font très rapidement et en une seule récolte" contre plusieurs pour l'herbe, poursuit-il. Cette "révolution totale" a permis d’énormément simplifier la vie de l’éleveur. La plante du maïs est toutefois faible en protéines et il a fallu importer des tourteaux de soja pour compléter l'alimentation donnée aux animaux, explique Christian Huyghe. Mais en période de sécheresse estivale, qui seront amenées à s'intensifier avec le réchauffement climatique, "une variété emblématique, le maïs, soulève une question", soulève Agnès Ducharne, chercheuse au CNRS. "Pour finir sa croissance et faire de la production agricole valorisable, il a besoin d'eau en juillet et en août, les mois où il y en a moins en France", souligne-t-elle. Cela pose la question de "réduire la part du maïs dans l'agriculture française pour des cultures plus adaptées à la sécheresse estivale", poursuit Agnès Ducharne, spécialiste du cycle de l'eau et des impacts du changement climatique. Il existe un énorme problème avec la culture du maïs, c'est qu'elle demande de l'eau à un moment où les sources ne débordent pas. Pour qu'elle puisse avoir un bon rendement, son irrigation est nécessaire mais "quel système de production permet d’être le plus résilient ? Et est-ce que le maïs a une place là-dedans ?", interroge Christian Huyghe. Pour lui, "le maïs va faire partie de la panoplie", mais "sa part va plutôt être amenée à se réduire" à l'avenir, ce qui va obliger le marché de l'alimentation animale à se réorganiser. "Pour être résilient, un système doit être diversifié", insiste-t-il. "Une trajectoire d’investissement qui conduirait à maximiser les cultures en maïs" en assurant leur arrosage avec de grandes réserves d’eau "fragiliserait le système", met-il en garde. De manière plus large, la production de viande, via l'élevage intensif, a plus d'impacts environnementaux que celle d'autres produits alimentaires, selon des études scientifiques. Des ONG prônent donc de réduire la consommation de viande et de privilégier l'élevage du bétail nourri à l'herbe.
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