Une équipe de chercheurs vient de mettre fin au paradoxe qui entourait la date de création de la Lune. Les modèles construits pour expliquer la distance Terre-Lune montrent que la Terre et la Lune ont dû entrer en collision il y a environ 1,4 milliards d’années. Mais ce scénario utilisé depuis une cinquantaine d’années ne correspond pas aux archives géologiques et à la datation de la création de la Lune qui fait remonter sa création à 4,4 milliards d’années.
La théorie selon laquelle le cosmos peut être infini, rempli de galaxies similaires à celle de la Voie Lactée et qui explique que la distance Terre-Lune va aller en augmentant avec le temps, date de 1755 et fût exposée dans l’ouvrage du philosophe Emmanuel Kant «Histoire naturelle universelle et théorie des cieux : essai sur la constitution et l’origine mécanique de toute la structure de l’univers basé sur les principes newtoniens».
Kant avait compris que la loi de conservation des moments cinétiques, qui décrivent l’état général de rotation d’un système, et l‘existence de frottements des océans déformées par les forces de marée de la Lune, conduisent à dissiper l’énergie cinétique de rotation sur elle-même de la Terre.
Ce ralentissement de la rotation de la Terre, qui induit une diminution de son moment cinétique, provoque une augmentation du moment cinétique de la Lune autour de la Terre afin d’assurer un équilibre du moment cinétique global Terre-Lune. Ce phénomène provoque ainsi une augmentation de la distance entre les deux astres. Dans les années 1800, la théorie des marées va être développée par des mathématiciens tels que d’Alembert, Lagrange ou Laplace mais surtout Georges Darwin, fils de Charles Darwin, qui reprendra les théories de Kant sur le ralentissement de la rotation de la Terre et l’éloignement progressif de la Lune pour élaborer sa théorie sur la formation de la Lune.
Les idées présentées par Kant et Darwin seront vérifiées au XXème siècle grâce aux programmes d’exploration lunaire qui déposent sur la Lune des rétro-réflecteurs renvoyant des photons laser à 180˚. Les scientifiques disposent ainsi depuis 1969 d’une télémétrie laser entre la Terre et la Lune qui a démontré que les deux corps s’éloignaient l’un de l’autre à une vitesse d’environ 3,83 cm/an. Cet éloignement a aussi pu être confirmé par certains fossiles de coraux dotés d’anneaux de croissance dépendant de la durée du jour et de la durée d’une année sur Terre.
Ces fossiles ont permis de démontrer qu’il y a approximativement 380 millions d’années, une année comptait 400 jours, mais que sa durée était identique à celle d’une année d’aujourd’hui. Ces observations ont mis en évidence que la durée du jour était à cette époque d’environ 22 heures et que, la vitesse de rotation de la Terre ayant effectivement ralenti, la Lune avait été plus proche de la Terre dans le passé. Lorsque la valeur mesurée par la télémétrie laser a été insérée dans les équations de la théorie de Darwin, il a pu être calculé que la Terre et la Lune avaient été en contact, il y a environ 1,4 milliard d’années Ce résultat correspond à la théorie selon laquelle la Lune a été créée suite à la collision entre la Terre et une planète de la taille de Mars, appelée Théia en référence à titanide grecque Théia mère de Séléné, déesse de la Lune.
Pour autant, ce résultat est en contraction avec les calculs et les observations réalisés scientifiquement qui datent la création de la Lune à approximativement 4,4 milliards d’années. Ces deux estimations cohabitent depuis plus de cinquante ans et constituent un paradoxe, appelé évènement de Gersterkorn, selon lequel la collision entre la Terre et la Lune, intervenue il y a 1,4 milliard d’années, ne se serait pas produit à ce moment-là.
Une équipe de chercheurs de l’Observatoire de Paris-PSL au sein de l’institut de mécaniques céleste et de calcul des éphémérides vient de publier un article dans Astronomy&Astrophysics Letters dans lequel elle indique avoir résolu le paradoxe. Des tentatives de résolution avaient déjà été effectuées, notamment en utilisant la théorie des marées, mais n’avaient pas été concluante pour expliquer le taux de marée actuel et l’âge de la Lune.
L’utilisation des modèles empiriques de l’histoire Terre-Lune se sont aussi révélés inefficaces car ils ne permettaient pas de déduire des informations physiques sur le système Terre-Lune. Pour réaliser leur modélisation, l’équipe de chercheurs a décidé de tenir compte de la dérive des continents sur les milliards d’années concernées, parce que ces mouvements changent le moment d’inertie de la Terre, et donc influent sur la rotation de la Terre et son axe de rotation, mais ils changent aussi la forme des océans, entrainant des ondes de propagation des marées et des dissipations d’énergie plus complexes qu’initialement considérées.
Au final, les chercheurs ont pu éliminer le paradoxe de l’évènement Gerstenkorn. Le communiqué du laboratoire précise notamment que cette étude fournit le premier modèle physique de l’évolution du système Terre-Lune qui concorde parfaitement avec la dissipation actuelle de marée et l’âge de la Lune, qu’elle démontre la pertinence de l’approche cyclostratigraphique pour retrouver l’état de rotation passé de la Terre et que ses résultats vont consolider la théorie des marées océaniques, montrant l’effet important des résonances océaniques.
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